Un de mes plus intenses souvenirs nécropolitains !
Si Mannheim, dominée par sa tour de télévision, n’est vraiment pas la plus belle ville d’Allemagne, son grand cimetière (Hauptfriedhof), tout à la fois nécropole et parc paysager, révèle de quoi séduire le plus blasé des amateurs de tombeaux.
Un cadre splendide, une mise en valeur exemplaire du patrimoine, des curiosités de toute sorte, bref une étape obligée.
Prévoir de bonnes chaussures (bien que plat, le lieu est vaste : 34 hectares) et au moins une demi-journée pour en goûter le charme.
Inauguré en 1842, ce cimetière se singularise déjà par une entrée monumentale conçue par l’architecte Anton Mutschlechner.
Une fois le portail franchi, le visiteur peut se diriger vers l’enclos juif (à main droite) où règne un silence solennel, vers les sépultures militaires (au fond, à gauche) où voisinent soldats allemands, français et victimes du nazisme, ou bien tout droit où reposent beaucoup de célébrités nationales ou locales. Par ailleurs, l’originalité des monuments promet bien des surprises au long des allées.
De nombreux (jeunes) habitants ne s’y trompent pas qui viennent y déjeuner à la belle saison, dans un respect absolu du lieu (pas de cris ni de courses intempestives). Les parterres comme les allées sont entretenus avec un soin méticuleux par une brigade fournie de jardiniers et de cantonniers. Des bancs sont mis à la disposition du public, des fontaines ainsi qu’un plan d’eau embellissent l’atmosphère. Surtout : la mise en scène végétale (une profusion de fleurs, de haies entretenues, de grands arbres mêlant toutes les essences) de cette nécropole est une totale réussite.
Parmi les personnages célèbres, voici ceux qui m’ont semblé dignes d’intérêt. Cette liste ne revendique, bien sûr, aucune exhaustivité.
Alt Theodor (1858-1935), avocat.
Autenrieth Helma (1896-1981), pianiste et compositrice.
Bassermann Albert (1867-1952), comédien. Afin de protéger sa femme (d’origine juive), il s’exila lors de l’arrivée au pouvoir des nazis, d’abord en Suisse puis aux États-Unis où il tourna entre autres sous la direction de George Cukor et Alfred Hitchcock (sa prestation dans Correspondant 17 lui valut une nomination aux Oscars).
Bassermann August (1847-1931), comédien et metteur en scène.
Bassermann Friedrich Daniel (1811-1855), entrepreneur et homme politique. Fils de commerçants aisés, il devint député libéral et fut une des figures marquantes du « Printemps des peuples » (1848-1849), tentant, sans succès, de réaliser l’unité politique allemande. Épuisé par son combat politique, ll se donna la mort pour échapper à la maladie.
Bassermann Friedrich Ludwig (1782-1865), négociant. Père de Friedrich Daniel (voir ci-dessus).
Tous reposent dans l’enclos familial où on note aussi la présence de plusieurs membres qui s’illustrèrent dans les affaires (Félix, Julius, Kurt, Ludwig Alexander).
Dans un autre tombeau reposent :
Bassermann Anton (1821-1897), magistrat et homme politique, qui fut député badois.
Bassermann Ernst (1854-1917), fils du précédent. Avocat, il fut député national-libéral au Reichstag.
Bassermann Julie (1860-1940), épouse du précédent. Militante féministe.
Bayer Maximilian (1872-1917), officier, fondateur du scoutisme en Allemagne. Mort au combat, en Moselle, il reposa d’abord à Metz avant le transfert de sa dépouille à Féy (Moselle), en 1924, puis son rapatriement à Mannheim en 1926.
Beck Otto (1846-1908), homme politique. Maire de Mannheim de 1891 à 1908, il développa considérablement la ville.
Boehringer Christoph (1820-1882), pharmacien.
Cahn-Garnier Fritz (1889-1949), juriste et homme politique. Suspendu de ses fonctions par le régime nazi en raison de ses origines juives, il devint ministre des Finances de Bade-Wûrtemberg en 1946 et maire de Mannheim en 1948 mais mourut l’année suivante.
Clemm Carl (1836-1899), chimiste, entrepreneur. et homme politique. Il fut un des fondateurs de BASF, au côté de Friedrich Engelhorn (voir plus bas) mais également député au Reichstag. Impossible de ne pas voir ni admirer le temple de marbre qui compose le tombeau de sa famille.
Davans Franz (von) (1839-1895), entrepreneur. Son buste, à la barbe fournie, se repère de loin.
Diffené Philipp (1833-1903), entrepreneur et homme politique.
Diffené Karl (1836-1902), directeur de sociétés.
Dreesbach August (1844-1906), homme politique. Menuisier devenu représentant socialiste au Reichstag. Ses obsèques rassemblèrent 30000 personnes. Sur sa stèle, un ouvrier portant un marteau dans une main et un flambeau dressé dans l’autre, sous une épitaphe en gros caractères rappelant qu’il voulut être un fils du peuple.
Dyckerhoff Wilhelm (1805-1894), industriel (cimenteries).
Engelhorn Friedrich (1821-1902), entrepreneur qui créa la fabrique badoise d’aniline et de soude (BASF), emblème de Mannheim et de Ludwigshafen, devenue le premier groupe de chimie au monde. Il repose dans une grandiose chapelle néoclassique.
Engelhorn Georg (1861-1946), négociant, créateur d’une célèbre enseigne commerciale à son nom.
Fehsenbecker Julius (1921-1970), avocat et homme politique. Adjoint au maire, il fut à l’origine de la raffinerie et du port pétrolier.
Fuchs Carl (1837-1886), géologue et minéralogiste.
Geck Oskar (1867-1928), journaliste et homme politique.
Giulini (famille), industriels. Superbe monument funéraire inspiré des temples romains.
Glaser Carl (1841-1935), chimiste, co-découvreur du carbazole.
Grammann Carl (1776-1844), négociant.
Hammerbacher Hans (1893-1964), président de la Chambre de Commerce et d’Industrie. Citoyen d’honneur de Mannheim.
Hanemann Alfred (1872-1957), juriste et homme politique (nationaliste durant la république de Weimar, il rejoignit ensuite le parti nazi).
Heckel Emil (1831-1908), éditeur de musique.
Heimerich Hermann (1885-1963), homme politique, opposant au nazisme, maire (social-démocrate) de Mannheim de 1928 à 1933 puis de 1949 à 1955 lors de la reconstruction de la ville.
Heribert von Dalbert Wolfgang (1750-1806), ministre d’État et directeur du Théâtre national de Mannheim.
Jolly Ludwig (1780-1853), homme politique, maire de Mannheim de 1836 à 1849.
Kotzebue August (von) (1761-1819), auteur dramatique. Difficile aujourd’hui d’imaginer la gloire qui fut la sienne de son vivant tant ses quelque 200 (!) pièces de théâtre sont médiocres et désormais oubliées : il était néanmoins le plus célèbre et le plus prolifique (et passablement sur le papier puisqu’il eut dix-huit enfants) des dramaturges allemands. Espion au service du tsar, il fut un adversaire acharné de Napoléon mais aussi des romantiques, et de Goethe en particulier. Profondément rétrograde, il était détesté des libéraux et des étudiants. L’un d’entre eux, nommé Karl Ludwig Sand, le poignarda à mort à son domicile. La tombe de son assassin est voisine de la sienne.
Krause Walter (1912-2000), homme politique. Ministre de l’Intérieur de Bade-Würtemberg de 1966 à 1972. Ne pas le confondre avec son homonyme joueur de football.
Kulzinger Adolf (1907-1982), avocat.
Langer Ferdinand (1839-1905), violoncelliste et compositeur.
Lanz Heinrich (1838-1905), industriel, fabricant de machines à vapeur (la firme Lanz fut célèbre durant des décennies) et philanthrope. Son épouse, Julia Lanz (1843-1926), inhumée auprès de lui poursuivit son oeuvre de mécénat.
Lingg von Linggenfeld Johann Baptist (1765-1842), général badois.
Martin Paul (1859-1913), homme politique. Maire de Mannheim de 1908 à 1913.
Moll Eduard (1814-1896), industriel. Maire de Mannheim de 1870 à 1891.
Mutschler Carlfried (1926-1999), architecte.
Nicolai Friedrich Bernhard (1793-1846), astronome. Ne pas le confondre avec l’écrivain Friedrich Nicolai (1733-1811).
Oberdalhoff Hans (1909-1988), médecin.
Präget Moses Elias (1817-1861), rabbin. Monument restauré en 2000.
Ratzel Ludwig (1915-1996), homme politique. Maire (SPD) de Mannheim de 1972 à 1980.
Reich Lorenz (1918-2008) et son épouse, Ingeborg Reich (1918-2007). Couple statufié debout.
Reinhardt Johann Wilhelm (1752-1826), banque et homme politique, maire de Mannheim de 1810 à 1820.
Reiß Carl (1843-1914), entrepreneur, financier et homme politique. Citoyen d’honneur de la ville pour son action de mécène (un musée et une îe portent son nom à Mannheim).
Rumbach Friedrich Ludwig (1802-1876), qui participa à la révolte badoise.
Sand Karl Ludwig (1795-1820), étudiant en théologie, exécuté pour l’assassinat d’August von Kotzebue (voir plus haut) qu’i jugeait traître à sa patrie. Il avait tenté de se suicider après son geste mais avait été ramené à la vie, jugé et condamné à mort. ses restes furent transférés ici cinquante après sa mort. Les deux vers gravés sur sa tombe (« Ici finit la vie terrestre et s’ouvrent les cieux ») sont du jeune poète romantique Theodor Körner (1791-1813) qu’il admirait particulièrement.
Schattschneider Arnold (1869-1930), musicien et pédagogue.
Schmöger Karl (1867-1950). Il fut le premier véritable Conservateur du cimetière.
Schnabel Franz (1887-1966), historien. Citoyen d’honneur de Mannheim.
Scholl Karl (1820-1907), écrivain (buste).
Scipio Ferdinand (1837-1905), entrepreneur et homme politique. Sur la stèle, son profil regarde celui de son père, le tout sous la protection d’un ange féminin.
Soherr Hermann (1851-1921), banquier.
Stumm Christian Philipp (1760-1826), banquier et entrepreneur, pionnier de l’industrie minière.
Traitteur Karl Theodor (von) (1756-1830), bibliothécaire de l’électeur palatin Charles Théodore de Bavière mais aussi géographe, historien, écrivain et poète. Père de l’architecte Wilhelm von Traitteur (voir ci-dessous).
Traitteur Wilhelm (von) (1788-1859), architecte, fils de Karl Theodor von Traitteur (voir ci-dessus). Spécialiste de l’architecture métallique, il construisit de nombreux ponts en Russie.
Trumpfheller Jakob (1887-1975), ouvrier-serrurier devenu député au Parlement régional. Opposant au nazisme, il fut un des reconstructeurs de Mannheim après la guerre. Citoyen d’honneur de Mannheim.
Varnholt Wilhelm (1925-1983), homme politique, maire de la cité voisine de Ludwigshafen puis de Mannheim, de 1980 à 1983.
Waldeck Florian (1886-1960), avocat et homme politique. Citoyen d’honneur de Mannheim.
Walter Friedrich (1870-1956), historien.
Weyland Louise (1758-1837). Née Louisa Aulber, en Alsace, elle fut l’éducatrice des enfants du roi de Bavière Maximilien 1er, et en particulier du futur roi Louis 1er de Bavière.
Wijck Harmen Jan (van der) (1769-1847), baron et général néerlandais. Il acheva sa vie en Allemagne, devenu peintre et écrivain.
Les tombes de prêtres sont regroupés autour d’une statue contemporaine.
Un obélisque rend hommage aux Martyrs de la liberté de l’année 1849.
Contre un mur, une plaque signale le lieu d’ensevelissement de 137 soldats morts durant la guerre de 1870-1871.
Plus loin, un monument, érigé par leurs compatriotes, célèbre la mémoire des soldats français morts dans cette même guerre.
Monument aux morts français. Érigé (sur un terrain offert par la ville de Mannheim) à la mémoire des victimes françaises de la Deuxième Guerre mondiale, il est en grès rouge et orné d’une carte de France tricolore au-dessous la quelle sont gravés ces mots : Ils ne l’ont pas revue. Outre les soldats français, des Belges et des Néerlandais furent également inhumés à cet endroit. Tous furent rapatriés à la demande de leur famille sauf deux, non identifiés.
Une plaque in memoriam porte le nom du général de la légion étrangère Albéric Vaillant (1915-2011), inhumé à Paris, au cimetière du Père-Lachaise.
Horaires du cimetière juif :
Du 1er mai au 30 septembre :
Du lundi au jeudi : de 7h30 à 16h.
Le vendredi : de 7h30 à 13h.
Le dimanche : de 9h à 14h.
Du 1er octobre au 30 avril :
Du lundi au jeudi : de 9h à 16h.
Le vendredi : de 9h à 13h.
Le dimanche : de 9h à 14h.
Adresse : Am Jüdischen Friedhof 1.
Autres articles sur l’Allemagne :
Hambourg, église Saint-Michel (St.-Michaelis-Kirche)
Lübeck, cimetière de la Porte du Château (Lübeck Burgtorfriedhof)
Lübeck, église catholique du Sacré-Coeur-de-Jésus (Lübeck, Katholische Propsteikirche Herz Jesu)
Münich, cimetière de Bogenhausen (Bogenhausener Friedhof)
Münich, cimetière du Nord (Nordfriedhof)
Münich, église Saint-Michel (Jesuitenkirche St. Michael) (crypte funéraire des Wittelsbach et tombeau de Louis II de Bavière).
21 septembre 2014 : Journée mondiale de lutte contre la maladie d’Alzheimer.)
9 octobre 2015 : Les sosies de Francfort.