Rien à voir avec le gigantisme du cimetière Saint-Eloi, principale nécropole rochelaise. Saint-Maurice fut une commune indépendante jusqu’en 1858 et son vénérable champ de repos (certaines sépultures datent du XVIIIè siècle) se donne des allures de bonbonnière du souvenir.
On est ici dans l’intimité, presque entre soi.
Peu de tombes donc mais les lignes qui suivent montrent combien l’endroit n’est pas à négliger.

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Les amateurs de pierres moussues y seront comblés.

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Parmi ses occupants :

Alexandre Billotte (1845-1900). Son épouse, Marguerite (1854-1938) était la fille d’Eugène Fromentin (les deux familles sont liées au-delà de cela puisque la mère de Fromentin était née Billotte). Il était aussi le frère du peintre René Billlotte (dont la tombe se trouve au Père-Lachaise). Sa stèle, semblable à celle de Fromentin (voir plus bas), est également ornée d’un médaillon d’Eugène Christophe.

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Jenny-Caroline-Léocadie Chessé (1817-1844).

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Avoir épousé un surnuméraire des Contributions directes et être morte prématurément de maladie en laissant trois petits orphelins n’aurait pu assurer la survie de cette Rochelaise d’origine créole. Mais la passion amoureuse qu’elle vécut avec le jeune Eugène Fromentin, son cadet de trois ans, et que ce dernier transfigura dans Dominique, où elle apparaît sous le prénom de Madeleine, lui vaut d’être encore présente dans certaines mémoires.

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Michel Crépeau (1930-1999), maire de La Rochelle de 1971 à sa mort (la trace qu’il laissa dans sa ville fut considérable : création du premier secteur piétonnier de France, du premier libre-service de vélos, du festival musical des Francofolies…) mais aussi député de Charente-Maritime, candidat (MRG) à l’élection présidentielle de 1981, ministre de l’Environnement puis du Commerce et de l’Artisanat (des gouvernements Mauroy puis Fabius), enfin, fort brièvement (un mois), Garde des Sceaux.
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Il mourut quasiment devant les caméras, des suites d’un malaise cardiaque survenu dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale.
Son épitaphe sonne comme une profession de foi :
J’accepte de disparaître en tant qu’individu dès lors qu’il me sera permis d’éprouver au jour de ma mort le sentiment d’avoir accompli ma part d’humanité. C’est à travers elle que je survivrai.

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À l’étrier, Michel Crépeau avait mis le pied de son jeune assistant parlementaire : Jean-Vincent Placé (ce dernier, devenu à son tour membre du gouvernement, est venu s’incliner officiellement sur sa tombe en avril 2016).

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Eugène Fromentin (1820-1876), peintre orientaliste et écrivain.
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S’il laissa bien davantage de tableaux que de livres, c’est son roman autobiographique Dominique que la postérité a retenu.
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Il le dédia à George Sand (inhumée dans son cimetière privé de Nohant, dans l’Indre) en termes fort déférents : Si le livre était meilleur, je serais parfaitement heureux de vous l’offrir. Tel qu’il est, me pardonnerez-vous, Madame, comme au plus humble de vos amis, de le placer sous la protection d’un nom qui déjà m’a servi de sauvegarde, et pour lequel j’ai autant d’admiration que de gratitude et de respect.
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La journée du 8 juin 1876 fut cruelle à Fromentin puisque George Sand mourut le jour de son échec lors d’une élection à l’Académie française (on lui préféra l’historien et peintre Charles Blanc, frère de Louis; tous deux reposent au Père-Lachaise). Il décéda moins de trois mois plus tard. Son médaillon funéraire est signé Ernest Christophe. Sa maison se voit encore, à deux pas du cimetière.

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Pierre André Salmon (+ 1794, à 62 ans), chirurgien. Il fut l’ami des pauvres et son souvenir sera éternel dans le coeur de ses enfant (sic).

Eugène Siret (+ 1899, à 60 ans), publiciste, directeur du Courrier de La Rochelle de 1860 à 1897.

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Norma Tessum Onda. Longtemps la sépulture la plus mystérieuse de la ville. La légende (apparemment née sous la plume du boulevardier Aurélien Scholl, inhumé à Bordeaux) prétendait qu’il s’agissait de la tombe d’une fille cachée d’Alfred de Musset et George Sand. À l’appui, les arguments suivants : « Norma » est l’anagramme de « Roman », « Tessum » l’anagramme de « Musset » et « Onda » celui de « Sand » si on change l’O en S. De plus, une lyre figure sur la stèle comme sur celle de Musset au Père-Lachaise.
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En réalité, la défunte qui repose ici s’appelait Joséphine-Marie Ménard (1854-1875).
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Fille d’un tisserand des Mauges, elle fut confiée enfant à une aventurière, Françoise Coras, qui l’éleva et l’emmena à Paris où elle lui fit rencontrer plusieurs personnalités (dont Henri Rochefort) que sa beauté fascina. La jeune fille mourut de la tuberculose à La Rochelle, six ans avant sa protectrice qui l’inhuma sous ce si curieux nom de Norma Tessum Onda comme pour brouiller définitivement les pistes. On sait que Françoise Coras avait le goût des mystifications (on retrouva chez elle des livres de Musset portant de fausses dédicaces à sa chère petite Norma) au point d’évoquer d’autres généalogies concernant sa protégée et de tout justifier par une « substitution d’enfant ».
Pour ajouter au trouble, mentionnons qu’un couple portant le patronyme « Musset » repose dans le cimetière…
La stèle, détruite lors de la tempête de 1999, fut refaite à l’identique.
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Un quatrain y figure (j’y ai ajouté, ou rétabli, la ponctuation) :
Ô mort, Ô tombe, pourquoi vous craindre ?
Ô mortels insensés, pourquoi vous plaindre ?
La mort, mais c’est la Liberté
Qui prend son vol vers l’immortalité.

Au-dessous, dans un phylactère, la devise du financier Jacques Coeur : À coeur vaillant, rien d’impossible.

Ne pas manquer non plus la stèle dédiée au jeune Julien Émile Lelouis, mort à dix ans en 1820 et dont l’épitaphe proclame : Âmes sensibles, donnez-lui une larme !… La Nature l’avait orné des qualités les plus rares de l’esprit et du coeur. De ses parents, il faisait la joie et l’espérance mais hélas, il n’est plus. De leurs larmes, il est et sera l’éternel objet.

Un prénom rare relevé la dernière fois que je me suis rendu sur place : Medicis.

Enfin, je signalais dans mon Guide des tombes d’hommes célèbres (le cherche-midi éditeur, 2008) la présence derrière la stèle de Fromentin d’un superbe arbre nécrophage. Le voici :

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Adresse :
Rue des Quatrefages.

Horaires (pratiques) :
8h – 18h toute l’année.