La ville est déjà bien loin quand on aborde La Treille qui ailleurs serait vue comme une commune indépendante mais qui appartient pourtant à Marseille.
Son tout petit cimetière (moins de 80 sépultures) est devenu célèbre au printemps 1974 lorsqu’on y conduisit le 11è « plus grand Français de tous les temps » (selon ce si étrange classement datant de 2005), Marcel Pagnol (1895-1974).

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Natif d’Aubagne, l’écrivain et cinéaste a conté, chacun le sait, son enfance sous la protection du Garlaban, rendant familières à des milliers de lecteurs les figures de ses parents, de son frère Paul, le dernier chevrier, et de son ami Lili des Bellons qui l’initia à la chasse. Visiter le cimetière de La Treille, c’est rendre non seulement hommage à cette mémoire provençale mais aussi approcher un artiste qui a réussi la plus difficile chose au monde : provoquer une émotion universelle par la seule évocation de ses propres souvenirs.
Impossible de rater la tombe de Pagnol, elle est la première à l’entrée, sur la terrasse supérieure. Très simple dalle sur laquelle se détachent en reliefs son nom (mais pas ses dates (1895-1974), son épitaphe latine (Fontes Amicos Uxorem Dilexit ) signifiant qu’il aima les sources, ses amis et sa femme, enfin la mention Et les siens car reposent auprès de lui sa mère, Augustine (Pauline de son vrai prénom) (1873-1910) et sa fille Estelle (1951-1954), morte en bas âge, de maladie.

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Aux beaux jours, les pèlerins sont nombreux (un circuit Pagnol permet de suivre la trace de l’écrivain dans et autour de La Treille) et laissent parfois de singuliers témoignages d’admiration telle cette petite sculpture où apparaissent devant sa tombe les personnages stylisés de la mythique partie de cartes.
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À quelques mètres, mais en face, un autre tombeau porte l’inscription Famille Pagnol. C’est ici que sont enterrés son père, Joseph Pagnol (1869-1951) avec qui il se brouilla lorsqu’il épousa une femme beaucoup plus jeune que lui, Madeleine Pagnol (1887-1949), la femme en question et donc belle-mère de Marcel Pagnol, Paul Pagnol (1898-1932), son frère chevrier, Germaine Pagnol (1902-1993), sa soeur, enfin René Pagnol (1909-1997), son plus jeune frère.
En poursuivant vers le fond, une tombe attire l’oeil en raison de son ornement principal, une petite maison provençale. Elle signale la sépulture de Marius Broquier (1899-1977), maçon de son état, ami d’enfance de Pagnol. Ce dernier eut recours à ses services comme décorateur pour plusieurs de ses films et ce n’est autre que la ferme d’Angèle qui trône sur sa pierre tombale.
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Au niveau inférieur, on découvre une plaque comme il en existe tant dans tous les cimetières de France célébrant, palme et photo à l’appui, le sacrifice d’un jeune soldat mort à vingt ans pendant la première Guerre mondiale. Celui-ci, nommé Baptistin David Magnan (1898-1918) est devenu immortel sous le nom de Lili des Bellons, c’est le cher ami d’enfance, si souvent évoqué dans La Gloire de mon père puis Le Château de ma mère.

À droite, la tombe de Lili des Bellons.

À droite, la tombe de Lili des Bellons.

Autres tombes valant qu’on s’y arrête, celle de la doyenne du pays, Henriette Meinely (plaque) et celle d’une Normande venue mourir et reposer dans le Midi :
Loin de ta terre normande
Ton souvenir y restera
Repose en paix petite tante
Jamais mon coeur ne t’oubliera

L’ensemble, sans être exceptionnel (de nombreux cimetières méridionaux m’ont paru plus beaux), impose le détour tant l’oeuvre de Pagnol nous séduit encore.
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