On se rend à Saint-Servais pour découvrir son église et son enclos paroissial.

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À l’entrée, ces explications instruisent le profane :

Qu’est-ce qu’un enclos paroissial ?
L’enclos paroissial désigne l’espace, cerné par un mur, renfermant l’église et différentes annexes :
– le cimetière (aujourd’hui souvent dépourvu de tombes);
– l’entrée monumentale donnant accès à l’enclos;
– le calvaire;
– l’ossuaire destiné à l’origine à recevoir les ossements provenant de l’église;
– le porche et la sacristie annexés à l’église.

La notion d’enclos paroissial a été forgée dans notre région. Non que nous en ayons le monopole : que l’église soit entourée d’un cimetière clos est un principe général à la fin du Moyen-Âge. Mais ici, l’église et les annexes ont bien une monumentalité exceptionnelle. Parce que nos enclos ont bénéficié de la prospérité économique de l’Âge d’or breton (XVè – XVIIè s.), particulièrement là où l’on fabriquait les toiles de lin. Parce qu’ils ont bénéficié aussi d’un contexte intensément religieux : un catholicisme romain unanime, cherchant à impressionner, à éduquer, à séduire; un catholicisme breton aussi, très attaché à son clocher, à ses saints et à ses morts.
Une carte localisant les 23 enclos de la région illustre la richesse de ce patrimoine.

Toutefois, au cimetière de Saint-Servais, une tombe retient aussi l’attention, celle de Yan’ Dargent (Jean-Édouard Dargent) (1824-1899), peintre et illustrateur qui décora de nombreuses églises bretonnes (dont celle de Saint-Servais) et surtout la cathédrale Saint-Corentin de Quimper.

Pour présenter l’ensemble, je ne saurais mieux dire que l’autre panneau d’information installé sur place et remarquablement conçu. En voici le texte intégral :
Aujourd’hui, l’enclos de Saint-Servais est dominé par la figure de Yan’ Dargent (1824-1899), un enfant du pays qui fit à Paris une carrière de peintre et d’illustrateur tout en restant toujours très attaché au lieu de sa naissance. L’intérieur de l’église et l’ossuaire sont devenus l’écrin de plusieurs de ses oeuvres (peintures et vitraux), soit qu’il les ait réalisées spécialement pour Saint-Servais, soit qu’elles aient été acquises après sa mort.

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Vu de l’extérieur, où la présence de Yan’ Dargent se limite à une humble tombe blanche, l’enclos de Saint-Servais évoque pourtant d’abord l’effort des générations du XVIIè siècle pour faire une église de ce qui n’était au départ qu’une simple trêve de Plounéventer, dédiée à saint Servais, évêque de Maastricht. À la faveur de la prospérité, on dressa un clocher, à double galerie comme il convient en Léon. Puis on restaura le calvaire, on approfondit le choeur et on construisit un ossuaire (1643) dont la porte arbore un décor remarquable, mêlant les motifs de la Renaissance – entrelacs, fuseaux, grotesques – aux premiers angelots baroques. La région s’appauvrit au XVIIIè siècle : il faut se contenter d’un modeste porche (1749)… et attendre Yan’ Dargent pour le décor intérieur de l’église et de l’ossuaire.

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Le peintre répondra volontiers aux sollicitations du recteur : par piété famille à l’égard de sa mère, décédée alors qu’il n’avait que deux ans; par attachement aussi, sans doute, pour un lieu qui avait été pour lui celui de la découverte d’un légendaire fascinant, celui de l’Ankou et des Lavandières de la nuit en passant par l’épopée des vieux saints. Cet attachement romantique au passé, il le poussa jusqu’à l’anachronisme en demandant qu’après sa mort sa tête soit conservée à part, dans une « boîte à crâne »… comme on l’avait fait pour sa mère et pour son oncle, mais comme on avait cessé de le faire dans la région depuis un bon demi-siècle. La demande fut honorée, non sans mal, en 1907.

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Détail macabre : lors de l’ouverture du cercueil en 1907, on découvrit un corps en très bon état de conservation. L’abbé de Saint-Servais dut lui-même trancher la tête qui se trouve encore aujourd’hui dans un reliquaire de zinc, près de l’autel de l’ossuaire !