On est ici loin du coeur de Marseille, dans le 13è arrondissement, au nord de la ville. Déjà, la campagne et les sommets du massif de l’Étoile pour décor.
Sur le mur extérieur, un quatrain sentencieux du poète provençal Charloun Rieu nous accueille :

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Vaste (rien à voir avec le minuscule enclos de La Treille) et s’étalant sur plusieurs niveaux, le cimetière marseillais de Château-Gombert peut retenir longtemps le promeneur en dépit du faible nombre de célébrités qu’il recèle : il est, en effet, un des champs de repos les plus « bavards » que je connaisse. Amateurs d’épitaphes, à vos notes !

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Dans le bas, une allée regroupe les chapelles bourgeoises en un bel ensemble.

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Parmi les défunts notables :

Julien-Pignol Jean-Baptiste (1872-1970), félibre et historien du quartier de Château-Gombert, fondateur du musée du Terroir marseillais. Deux plaques en langue provençale rendent hommage à son action et à sa défense du patrimoine local.

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Leporati Paul (1921-1963), capitaine. Sépulture in memoriam pour ce marin mort à bord de son cargo, le Douala, qui sombra au large de Saint-Pierre-et-Miquelon (il y eut 12 morts ou disparus et 17 rescapés).

Simon Simone (1911-2005), comédienne (La Bête humaine, La Féline…) dont une partie de la carrière (en particulier la Deuxième Guerre mondiale) se déroula à Hollywood. Je mentionne ici 1911 comme date de naissance (ce qui est gravé sur la tombe) mais d’autres sources citent 1910.

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Villard Juliette (1942-1971), comédienne, morte de maladie à seulement vingt-huit ans. On la vit dans l’adaptation cinématographique du Grand Meaulnes de Jean-Gabriel Albicocco. Comme pour dissimuler son vrai prénom d’état-civil, Josette, la stèle mentionne étrangement : État-civil J. Chevillard.
Pour elle, trois épitaphes : À sa beauté parfaite, elle alliait une grâce mystérieuse, une vive sensibilité et l’amour de l’absolu. Puis cet extrait fameux du Cantique des cantiques : Ne nuscitetis ne que evigilare facial, is dilectam quoadusque ipsa velit (N’éveillez pas, ne réveillez pas mon amour avant l’heure de son bon plaisir). Enfin, les vers illustres de Malherbe : Et rose, elle a vécu / Ce que vivent les roses, / L’espace d’un matin.

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Citons aussi la tombe des Pères Missionnaires du Sacré-Coeur et, protégé par une grille magnifique, le tombeau des soldats de Château-Gombert morts pour la France.

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Enfin, les épitaphes. Elles sont, à Marseille, plus fréquentes que dans d’autres régions de France où le deuil est davantage laconique mais Château-Gombert surpasse, en densité, tous les champs de repos phocéens. Signe particulier : ces textes sont gravés sur des tombes récentes, dans la partie moderne (la plus élevée). On verra que leur intérêt réside dans leur nombre et leur sincérité, non dans leur valeur littéraire. Du cimetière comme champ d’ethnologie sociale.

Petit florilège, non exhaustif :

Une plaque offerte par les Boulomanes Gombertois célèbre le souvenir d’un prénommé… Marius ; une autre porte ces mots : À bientôt pour une prochaine partie, tes amis qui t’aiment.

Dans une prochaine vie, Papa, j’aimerais te reprendre comme père.

Nul n’aura comme moi
Si chaudement aimé
L’eau luisante et la terre
Où la vie a germé

Ici, le plus célèbre vers du Chantecler de Rostand (inhumé à Marseille mais au cimetière Saint-Pierre) :
C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière.

La vanité ne faisait pas partie de son vocabulaire.

Cyril aimait la simple vie,
Sans artifice ni comédie,
Dans l’innocence de ses vingt ans
Il la goûtait tout en chantant
Et lui est mort.
Que vaut la vie ?

La vie est un bien perdu quand on ne l’a pas vécue comme on aurait voulue (sic).

Pourquoi vins-tu première sous ce noir mausolée
Nous eussions dû pourtant y venir avant toi
Hélas, il faut subir l’inexorable loi.
Ton âme est en repos, la nôtre est désolée
.
(texte que j’avais déjà cité ici).

Un passage trop court
Arrêté subitement en plein parcourt (sic) de la vie
Son intelligence, son savoir, son courage
Et son charisme étaient notre fierté.
Tu nous manques par ta gentillesse, ton sourire et ton humour.
Aujourd’hui tu es parti…
Rejoindre les racines chères à notre coeur
Mais ta présence est en nous.
On t’aime
.

La perte d’une mère, c’est la perte d’une partie de soi-même, d’un guide, d’un repère. Aujourd’hui, c’est une étoile dans le ciel que l’on caresse du regard.

Merci d’avoir été une si bonne Maman, notre famille ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui si ce n’était pas la touche personnelle que tu as mis (sic); par tout l’Amour que tu as investis (re-sic).

Aux premiers jours de l’été
Notre grand Max nous a quittés
De son pas tranquille,
Sans bruit, toujours docile
La mort sournoise l’a ravi
Lui plein de force de vie
Si la bonté était image
Quel portrait que ce sage
Il laissera dans nos coeurs
Le vide, le vide de nos pleurs
.

Ô Dieu, regarde au large. Une planche à voile arrive vers toi.
Dessus, un beau marin. Un prince des mers.
Il est grand, sa carrure est solide.
Son sourire est satin, son âme angélique.
Chevalier flambant au coeur aventureux,
tout doit plier devant sa jeunesse au galop.
Sur le sommet des flots, il pourfend l’écume cristalline,
poussé par les vents du secret du monde.
Il va droit devant lui, vers ses îles lointaines,
ses lagons bleutés.
Les dauphins de joie l’escortent dans une ronde d’amour.
Il est la splendeur. Il est la vie.
Il a vingt ans et s’appelle BRICE. Je l’aime tant !
Ô Dieu, je te lance ma prière haut et fort.
Toi qui as repris mon Ange, à présent laisse-le chanter.
Entends mon cri de mère. Je te confie mon Fils !

Lettre à Brice, mon fils
Dans les coulisses du rêve, je te contemple encore.
Chaque soir, je scrute l’océan du ciel
Pour te voir surgir, mon merveilleux enfant.
« chut… Écoutez…
Écoutez bien l’univers qui frémit…
Il y a cet oiseau qui chante dans la nuit
C’est mon enfant qui me dit : « Maman, je suis vivant ».
Alors, d’un seul battement de tes ailes d’argent
Tu viens te poser dans le nid de mon âme, y déposes un baiser
Et enlumines d’or mes yeux remplis de larmes.
Va, mon beau goéland, ma fierté, mon honneur,
Mon tout-petit, mon trésor, mon Fils !
C’est toi maintenant qui me portes dans tes bras.

Adresse :
Traverse du Cimetière.

Horaires :
De mai à août : 7h30 – 18h30.
septembre – octobre : 7h30 – 18h.
de novembre à février : 7h30 – 17h30.
mars – avril : 7h30 – 18h.