J’évoquais récemment la petitesse du cimetière des Aydes à Orléans, surprenante dans une agglomération, mais que dire de celui de Lignerolles, village terré à la limite de la Côte-d’Or et de la Haute-Marne, entre Bourgogne et Champagne ? Assurément, un des plus minuscules de la région.
Depuis 2009 y repose dans un calme à peine troublé par les rares voitures qui descendent vers l’église (joliment dédiée à Saint-Révérien), une des grandes consciences de notre temps, l’anthropologue, ethnologue et écrivain Claude Lévi-Strauss (1908-2009) dont le château tout proche était la résidence secondaire.
L’auteur de Tristes Tropiques contemplait, pendant son exil aux États-Unis, les cartes de France avec nostalgie aspirant à s’établir, dès son retour, dans une région peu dense et forestière. C’est ainsi que le Châtillonnais entra dans sa vie.
Il fut inhumé ici, selon son désir, dans une absolue discrétion (j’en témoigne, gardant de lui une lettre manuscrite m’affirmant qu’il souhaitait ne pas exposer son futur lieu de sépulture qui relevait du strict domaine privé).
Quelque temps après, une pierre percée de la région, venant précisément de Cérilly (à ne pas confondre avec la commune de l’Allier où est enterré l’écrivain Charles-Louis Philippe) fut déposée sur sa tombe.
Rappelons aussi qu’il fut le premier, et le seul à ce jour, académicien français centenaire (Fontenelle, en 1757, n’avait que frôlé un êge à trois chiffres, événement de son temps rarissime). Il ne devrait pas demeurer longuement dans cette solitude.
Par ailleurs, quatre stèles militaires signalent le sacrifice d’aviateurs britanniques dont l’appareil Lancaster fut abattu par un chasseur de nuit allemand le 27 avril 1944 (une stèle a été érigée à l’endroit du drame, dans le bois de Lignerolles, sur la pente opposée au cimetière),. Ils avaient noms E. Mirfin (28 ans, pilote), E. J. Fletcher (20 ans), E. W. Green (21 ans), A. Whitehouse (24 ans) (les soldats britanniques morts au combat sont le plus souvent inhumés là où ils tombent, au contraire des américains regroupés dans d’immenses cimetières). Trois de leurs camarades purent sauter en parachute mais furent arrêtés peu après.
En quittant les lieux, on remarquera enfin que Marcel Maroiller (1891-1964) fut maire de Lignerolles de 1927 à 1964.