Il est banal de rappeler que les cathédrales sont des cimetières et que ce site doit donc les mettre à l’honneur. Je vous ai ainsi précédemment entretenu, parmi d’autres, de mes pérégrinations à Langres, Mende ou Saint-Flour. Néanmoins, entre toutes mes explorations épiscopales, celle-ci demeure exceptionnelle. Deux chefs-d’oeuvre de la statuaire funéraire rendent la visite obligatoire pour quiconque se trouve dans la « capitale des Ducs de Bretagne ».

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Sa première pierre fut posée en 1434 mais l’édifice ne fut achevé qu’en 1891 ! Ni les bombardements de 1944 ni un incendie survenu en 1972 qui imposa une lourde restauration n’ont endommagé les deux merveilles visibles dans le transept.

D’abord, le tombeau des parents d’Anne de Bretagne, le duc François II de Bretagne (1435-1488) et son épouse, Marguerite de Foix (après 1458-1486).

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Je me contente de recopier ci-dessous le texte disponible sur place :

Le 9 septembre 1488, le duc François II s’éteint, laissant le duché de Bretagne à sa fille de dix ans, Anne. Trois ans plus tard, le roi de France Charles VIII impose son mariage avec la jeune héritière. Devenue veuve en 1498, elle revient à Nantes et se soucie de donner une sépulture décente à ses parents. Le tombeau est sans doute commandé au début de 1499 lors de son remariage avec le nouveau roi de France, Louis XII, au château de Nantes.
Dessinée par le peintre du roi, Jean Perréal, la sculpture est l’oeuvre de l’atelier du Tourangeau Michel Colombe qui mandate deux aides italiens dès 1499 à Gênes puis à Florence pour l’achat des marbres. Les différents éléments sont érigés en 1507 dans l’église du couvent des Carmes. À la Révolution, le tombeau est sauvé de la destruction par Mathurin Crucy, architecte de la ville, pourtant chargé de le démanteler. Les sépultures sont dispersées et les cercueils de plomb, fondus. En 1817, le monument funéraire est remonté dans le transept sud de la cathédrale, à son emplacement actuel.
(…)
Au-dessus de la dalle de marbre noir reposent les gisants de François II et de Marguerite de Foix, la tête sur des coussins tenus par des angelots. À leurs pieds, le lion, symbole de la puissance de la dynastie des Montfort, porte l’écu du duc ; un lévrier tient fidèlement celui de son épouse dans un motif de cordelière. Dans un soubassement

Le monument renferme les restes de François II, de sa première épouse, Marguerite de Bretagne, de sa seconde épouse, Marguerite de Foix. Les restes d’Arthur III, duc de Bretagne, comte de Richemont, connétable de France y ont été déposés le 28 août 1817.

François II, duc de Bretagne, et sa seconde femme, Marguerite de Foix, sont les parents d’Anne de Bretagne (1477-1514), née à Nantes, reine de France dès 1491, suite à ses alliances avec Charles VIII puis avec Louis XII.

Ces sculptures ont été réalisées à la demande d’Anne de Bretagne de 1502 à 1507 par Michel Colombe, déjà âgé de 75 ans.
Remarquer la grande beauté du duc, le calme, la douceur et la grâce de la duchesse.
L’un et l’autre, les mains jointes, semblent endormis d’un sommeil plein d’espérance, déjà transportés par trois angelots aux gestes attentifs.

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Tombeau de François II
Face Nord – Les deux statues d’angle

Ces deux figures allégoriques de femmes représentent deux des quatre vertus cardinales, indicatrices du chemin vertueux que tout homme est appelé à suivre.

À gauche, la « Tempérance » munie en main droite d’un mors de cheval, symbole d’une conduite raisonnée : il y a un temps pour tout (Ec 3, 1-15), et en main gauche d’une horloge, symbole du temps qu’il faut savoir respecter et qui atténue les passions.

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À droite, la « Prudence » tenant en main un compas, symbole de la mesure de tout acte, et en main gauche un miroir, reflet de toute pensée et capteur des conseils de sagesse de l’Ancien, figuré en double visage ; à ses pieds, un serpent : « Soyez prudents comme des serpents. » (Mt, 10, 16).

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Face Sud – Les deux statues d’angle

Ces deux figures allégoriques de femmes représentent deux des quatre vertus cardinales, indicatrices du chemin vertueux que tout homme est appelé à suivre.

À gauche, la « Justice » portant en main gauche un livre (la Loi) illustré d’une balance (la Justice) et en main droite un glaive imposant mais délicatement recouvert d’un pan de son écharpe : « Rendre la Justice mais ne pas détruire la personne. »

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À droite, la « Force morale » revêtue d’une armure et d’un casque guerrier ; l’expression de son visage reflète une certaine douleur rentrée, comme si l’effort d’arracher le dragon (le Mal) de la tour (le Bien, le for intérieur) ne se faisait pas sans combat intérieur.

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Une plaque signale la présence des restes de Françoise de Dinan, dame de Château-Briant (sic) (1436-1499), gouvernante d’Anne de Bretagne.

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Dans la chapelle Saint-Clair, le tombeau (en enfeu) de l’évêque (1500-1506) Guillaume Guéguen serait occupé par le gisant de l’évêque (1404-1419) Henri le Barbu.

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L’autre merveille du lieu, de l’autre côté du transept, est le cénotaphe du général Lamoricière (1806-1865).
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Après avoir servi en Algérie, contribué à la prise de la fameuse smala d’Abd el-Kader (dont il devait obtenir la reddition en 1847) en 1843 ainsi qu’à la victoire de l’Isly, il devint député de la Sarthe, réprima les journées insurrectionnelles de juin 1848 et fut nommé ministre de la Guerre. Opposant à Luis-Napoléon Bonaparte, il passa cinq années en exil, se mit au service du Saint-Siège jusqu’à la défaite de Castelfidardo contre les Piémontais avant de se retirer en son château de Prouzel, dans la Somme, où il mourut.
Il repose avec les siens au cimetière de Saint-Philibert-de-Grand-Lieu (Loire-Atlantique) dans une impressionnante chapelle mais le pape Pie IX lui fit ériger ce cénotaphe en témoignage des services rendus.
Conçu par l’architecte Louis Boitte, il se présente sous la forme d’un dais de marbre blanc que soutiennent des colonnes blanches et noires. Aux quatre angles, des statues allégoriques signées Paul Dubois exaltent les vertus du défunt :
la « Charité universelle », représentée par une femme allaitant deux enfants, l’un de type européen, l’autre de type africain.
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la « Force guerrière » représentée par un soldat décidé mais pacifique.
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la « Foi » représentée par une jeune fille aux mains jointes, qui se soulève à demi dans l’ardeur de sa prière.
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– la « Sagesse » représentée par un penseur, en état de méditation.

Le général est, lui, représenté gisant, par Moisseron, un crucifix à la main et l’épée au côté.
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Signalons que ce monument fut victime en 2009 d’un acte de vandalisme.

Avant de quitter les lieux, admirer la belle plaque armoriée et bilingue : À la gloire de Dieu et à la mémoire du million de morts de l’armée britannique tombés dans la Grande Guerre 1914-1918 et qui pour la plupart reposent en France.

Adresse :
Place Saint-Pierre.