Le cimetière de la moins peuplée (à peine plus de huit mille habitants) des préfectures françaises, créé à la fin du XIXè siècle, ordonné et si peu arboré qu’il en devient sévère, est situé face à la campagne et cette ouverture sur les collines alentour se révèle son charme principal.

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Nulle statuaire mais quelques personnalités locales (dominées par la figure du père Rouville) :

Pierre LAUTIER (1890-1971), avocat et homme politique, sénateur de l’Ardèche de 1939 à 1945.
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Inhumé dans le vaste caveau des familles de LAGARDE et LAUTIER qui abrite également deux autres avocats, un médecin-chef de l’asile de Bron et plusieurs récipiendaires de la Légion d’honneur.

Albin MAZON (1828-1908), journaliste et historien.
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Sous le nom de Docteur Francus, il publia une série de Voyages à travers l’Ardèche.
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Dans le caveau familial repose également son fils, l’helléniste Paul MAZON (1874-1955) qui fut membre de l’Institut.

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Professeur à la Sorbonne et au Collège de France, il traduisit Homère, Eschyle et Sophocle, et présida le conseil d’administration de la société d’édition des Belles Lettres de 1919 à 1940.

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André RAYNAUD (1890-1974), peintre. Originaire de Valence, il laissa de nombreux paysages de montagne ainsi que des bords de la Méditerranée.

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Le Père ROUVILLE (1734-1794).

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Le monument le plus intéressant du cimetière.
De son vrai nom François-Augustin ROUBAUD, ce jésuite, natif d’Aix-en-Provence, avait changé son nom en « Rouville » aux alentours de 1770, pour échapper aux décrets qui interdisaient l’enseignement aux anciens religieux de la Compagnie de Jésus, peut-être aussi pour éviter des ennuis à sa famille (Georges Guitton, Les Martyrs de Privas, éditions Spes, 1945, p. 37).
Professeur de rhétorique à Aubenas, vénéré de ses élèves et de ses ouailles pour sa dévotion à son ministère, il refusa sous la Révolution de prêter serment à la Constitution civile du clergé et fut pour cela arrêté, jugé, emprisonné et condamné à mort. Avec lui, quatre prêtres, Jean-Jacques BAC (né en 1751), Louis (l’épitaphe dans la chapelle donne « A. » pour prénom) GARDÈS (né en 1754), Barthélemy MONTBLANC (né en 1760), Pierre-François d’ALLEMAND (né en 1764) et trois religieuses, Soeur SAINTE-CROIX, Soeur MADELEINE et Soeur TOUSSAINT.
Leur exécution eut lieu le 5 août 1794, soit le 18 thermidor, sur la « Placette » (de nos jours, place de la République). La nouvelle, parvenue à Privas la veille au soir, de la chute de Robespierre n’y changea rien.

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Abandonnées nues devant la guillotine, les dépouilles furent ensevelies dans une fosse commune du cimetière de Gratenas (aujourd’hui disparu, il se trouvait au sud-est de la ville, non loin de l’actuel cimetière du Vanel). Le fossoyeur sépara les restes du père Rouville de ceux des autres condamnés. En dépit de l’interdiction de s’y réunir, la tombe dite « des Martyrs », bientôt coiffée d’une croix de bois puis d’une autre en pierre, devint dès 1795 un lieu de rassemblement des catholiques privadois. La légende locale locale fait même état de guérisons miraculeuses obtenues par les pèlerins.
Lors de la fermeture du cimetière de Gratenas, en 1876, seuls les ossements du père Rouville furent identifiés. Conduits au cimetière du Vanel, ils furent réinhumés sous cette chapelle édifiée en 1884 grâce à la générosité d’une paroissienne.

À l’intérieur, de nombreux ex-votos témoignent de la ferveur suscitée par la figure du père Rouville, au moins jusqu’en 1950 (mais on en lit aussi de plus récents).

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Ce cas d’un prêtre devenu post mortem un intercesseur vénéré comme un saint est loin d’être unique et se rencontre dans de nombreux cimetières français.

L’inscription dit ceci (ponctuation, graphie et orthographe respectées):

À la mémoire
des vénérables prêtres

F. A. ROUVILLE , né à Aix, S. J.
J. J. A. BAC, né à S. Julien Labrousse, curé de Mens.
A. GARDÈS, né au Béage, curé de Ceyrac.
B. MONTBLANC, né à Cruzy, curé de Bans.
P. F. d’ALLEMAND, né à Pierre-Châtel (Isère), curé de S. Julien Vocance.
et des religieuses
Antoinette VINCENT,
Marianne SÉNOVERT. Etc..,
Décapités en haîne de la foi
en 1794
à
Privas.

Par ailleurs, plusieurs prénoms rares sont ici à glaner : Cléonice, Henria, Ludovie, Nezida, Odille.

Mon attention fut aussi attirée par ces épitaphes :
Nous sommes ensemble des pèlerins qui à travers des pays inconnus se dirigent vers leur patrie.
L’An 1513 attribué à Fra Angelico.

Quand sonnera pour nous l’heure du grand voyage
Pour lequel nul besoin d’emporter de bagages
Heureux que le Destin nous ramène vers toi
Qui fut notre lumière et notre grande joie
Toujours présente et sans cesse dévouée
Nous te pleurons, Juliette, et ne t’oublierons jamais.

Il n’y a pas d’Amour sans Croix.

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Enfin, en quittant les lieux, ne pas oublier qu’à une trentaine de kilomètres se trouve le village d’Antraigues-sur-Volane où repose Jean Ferrat.

Adresse :
Place du Souvenir-Français.