Totalement dépourvu d’arbres, le petit cimetière communal ne l’est pas d’intérêt.

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Dans un quartier paisible où alternent jardins ouvriers et pavillons cossus, l’endroit se découvre au bout d’une longue allée, derrière une porte joliment ouvragée.

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Presque au centre du quadrilatère, un enclos familial délimité par un muret attire aussitôt le regard. C’est là qu’est inhumé, on ne se hasardera pas à écrire qu’il repose, au milieu de sa descendance, un des hommes les plus craints et les plus méprisés de son temps, traître à toutes les causes qu’il avait embrassées, mort pourtant dans son lit après avoir reçu l’extrême-onction : Joseph Fouché (1759-1820).

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Lui qui avait failli être prêtre avant de se retrouver sur les bancs de la Convention, girondin puis montagnard selon ses intérêts, vota la mort de Louis XVI, fit massacrer plus de 1600 lyonnais insurgés à l’automne 1793, sauva sa tête de justesse à la chute de Robespierre puis devint ministre de la Police sous le Consulat et l’Empire, et reçut même le titre de duc d’Otrante. Rallié à Louis XVIII en 1814 puis à Napoléon durant les Cent-Jours, il tourna encore casaque ce qui nous vaut, seule mention digne de figurer dans la colonne de ses actifs, le fameux morceau de bravoure des Mémoires d’outre-tombe.
En juillet 1815, quelques jours après la bataille de Waterloo, le vicomte de Chateaubriand, qui accompagne le retour d’exil de Louis XVIII, est à Saint-Denis :

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Un boulanger nous hébergea. Le soir, vers les neuf heures, j’allai faire ma cour au Roi. Sa Majesté était logée dans les bâtiments de l’abbaye : on avait toutes les peines du monde à empêcher les petites filles de la Légion-d’Honneur de crier : Vive Napoléon ! J’entrai d’abord dans l’église ; un pan de mur attenant au cloître était tombé ; l’antique abbatial n’était éclairé que d’une lampe. Je fis ma prière à l’entrée du caveau où j’avais vu descendre Louis XVI : plein de crainte sur l’avenir, je ne sais si j’ai jamais eu le coeur noyé d’une tristesse plus profonde et plus religieuse. Ensuite je me rendis chez Sa Majesté : introduit dans une des chambres qui précédaient celle du Roi, je ne trouvai personne ; je m’assis dans un coin et j’attendis. Tout à coup une porte s’ouvre : entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand soutenu par M. Fouché ; la vison infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du Roi et disparaît. Fouché venait jurer foi et hommage à son seigneur ; le féal régicide, à genoux, mit les mains qui firent tomber la tête de Louis XVI entre les mains du frère du roi martyr ; l’évêque apostat fut caution du serment.

Exilé quand même parce que régicide, il finit ses jours à Trieste, impotent, non sans avoir eu le temps de faire brûler toutes ses archives personnelles la veille de sa mort. On l’enterra sur place en l’église San Giusto, non pas couché mais assis (sa bière était en réalité un immense coffre) car son corps déformé par les rhumatismes n’avait pu être étendu ! En 1875, il fut ramené en France où il avait possédé le domaine de Ferrières qui devint ensuite la propriété des Rothschild.
Avec lui, un de ses fils Paul Athanase Fouché (1801-1886) qui vécut longtemps en Suède et fut grand-veneur du roi Oscar 1er.

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Dans l’enclos, on relève, parmi d’autres, les noms de :

Joséphine Fouché (1803-1893), sa fille.
Paul de La Barthe, vicomte de Thermes (1828-1853), son petit-fils.
Léontine Jeanselme, née de Castelbajac (+ 1949).
Paul Jeanselme (1901-1979), homme de lettres, fils de la précédente.
Jean Martragny (+ 1861, à 76 ans), maire de Ferrières.

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Une plaque informe que la restauration de ce monument historique est due aux actuels descendants de Joseph Fouché, à la mémoire de leur illustre ancêtre (sic).

Non loin, vers le fond du cimetière, une haute stèle (1878) aux airs d’obélisque et coiffée d’une croix est dédiée à la mémoire des soldats français blessés à la bataille de Champigny morts dans les ambulances de Ferrières et dont les restes reposent sous ce monument. Sur son autre face, on lit qu’elle aussi vouée à perpétuer le souvenir des enfants de Ferrières morts en combattant pour la Patrie depuis 1870.

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Près de là, souvenirs des combats qui ensanglantèrent la Brie en 1870-1871, deux grilles semblables et mitoyennes abritent des dépouilles de soldats allemands (à gauche) et français (à droite).

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Plus loin, sous la vigilance du drapeau tricolore, six tombes de soldats morts pour la France.

Peu de raisons de s’attarder dans le reste du cimetière, où ne repose aucun Rothschild, sinon pour apprécier la gestion du site à long terme menée par les autorités locales : aménagement d’un petit columbarium, d’un Jardin du souvenir et d’une vaste extension récente qui devrait éviter la destruction des monuments les plus anciens.

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Sur la tombe du jeune musicien Lucien Froelicher (+ 1930, à 21 ans), une photo sépia où il pose avec son accordéon est délavée par le temps; l’épitaphe de Gaston Rullier apprend qu’il était aviateur dans l’armée d’Orient et qu’il mourut pour la France en novembre 1918 à Zeiteineik ce qui est une double erreur de gravure car il s’agit de Zeitenlik, cimetière de Thessalonique où reposent de nombreux soldats français morts en fait durant l’Expédition de Salonique (1915-1918).

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