En bord de route, à la sortie de la commune lorsqu’on se dirige vers Saint-Paul-de-Vence, voici un cimetière où il est impératif de s’arrêter, de préférence sous un ciel bien bleu : y est enterré un des plus fameux artistes d’avant-garde des années 50 et du début des années 60.

 

Pentu, dominé par sa chapelle, le lieu est divisé en trois secteurs séparés par des murs percé de petites portes.

 

Il faut se rendre dans la zone centrale, celle de la chapelle et longer le mur de droite pour découvrir, dans la partie supérieure, un monument que rien ne distingue de ses voisins portant sur la base de sa grande croix blanche les noms Raynaud et Brun : c’est ici que repose Yves KLEIN (1928-1962).

 

Fils de deux peintres, né à Nice, d’abord attiré par le judo au point d’ouvrir une école à Paris après avoir été le premier Français à devenir ceinture noire 4è dan, il expose à partir de 1955 des tableaux monochromes réalisés au rouleau, expliquant : Déjà autrefois, j’avais refusé le pinceau, trop psychologique, pour peindre avec le rouleau, plus anonyme, et ainsi tâcher de créer une « distance », tout au moins intellectuelle, constante, entre la toile et moi, pendant l’exécution.

Il crée en 1956 l’IKB (International Klein Blue) qui le rend célèbre : un bleu outremer réalisé avec un chimiste et révélant le plus pur de la couleur la plus abstraite. La formule de l’IKB est déposée en 1960 à l’Institut national de la propriété industrielle.

 

Le bleu n’a pas de dimension, il est hors dimension, tandis que les autres couleurs, elles, en ont (…) Toutes les couleurs amènent des associations d’idées concrètes (…) tandis que le bleu rappelle tout au plus la mer et le ciel, ce qu’il y a de plus abstrait dans la nature tangible et visible.

 

Fondateur avec le critique Pierre Restany (inhumé à Paris, au cimetière Montparnasse, sous une étonnante dalle tricolore) du Nouveau réalisme, utilisant des modèles nus féminins comme agents d’exécution de ses monochromes (Je ne les ai jamais touchées, d’ailleurs c’est pour cela qu’elles avaient confiance et qu’elles aimaient collaborer, et aiment encore collaborer ainsi, de tout leur corps à ma peinture.), Yves Klein, qui aimait dire Mes tableaux ne sont que la cendre de mon art, demeure un météore déroutant.

Il meurt d’une crise cardiaque, à trente-quatre ans, deux mois avant la naissance de son fils, Yves Amu Klein, plasticien vivant aux États-Unis.

Sa mère, l’artiste Marie RAYMOND (1908-1989), est inhumée auprès de lui. Ses paysages d’abord figuratifs évoluèrent rapidement vers l’abstraction.

 

 

 

 

 

Ne pas manquer de saluer non plus la tombe du cardiologue Raymond HEIM de BALSAC (1903-1972).

Autre personnage notoire, le journaliste et écrivain Raoul MONMARSON (1895-1976) dont certains ouvrages sont fortement teintés d’antisémitisme. Il avait reçu la Francisque.

 

 

 

Une des particularités du cimetière de La Colle-sur-Loup est son grand nombre d’épitaphes larmoyantes datant de la fin du XIXè siècle qui témoignent d’un certain type de sensibilité.

J’ai relevé :

Pieuse, noble enfant, charme, orgueil de nos jours
Sans pitié dans nos bras, le Destin t’a ravie.
Tu pars et nous restons, nous qui crûmes toujours
Ne donner qu’au bonheur l’hiver de notre vie !
Comme n
ous t’aimions tous ! Va, ma fille, nos pleurs,

Pleurs amers que du ciel tu dois nous voir répandre
Ne cesseront, hélas !, ainsi que nos douleurs
Que quand tu cesseras, ange, de nous attendre
.

Père, pourquoi ces pleurs et ce regret cruel
Hélas ! Vos deux enfants étouffaient dans ces fanges
D’un monde corrupteur, et les chers petits anges
Aux fanges de la terre ont préféré le ciel. Auprès de lui Dieu les rappelle
Avec ses chérubins ; Mère, ne pleurez pas
Car vous aurez un jour une joie immortelle
À revoir vos enfants souriant dans vos bras.

Esprit droit, plein de coeur jusqu’à la dernière heure
Il aima les Beaux-arts, les Lettres, son pays,
Sa verve toujours gaie embellit sa demeure
Il compta de nombreux amis.
Repose donc en paix car déjà dans la gloire
Ton âme doit jouir du prix de ses vertus
Nous t’aimions tant ! Aussi ta pieuse mémoire
Soutiendra nos coeurs abattus.

 

 

Épouse, mère, aïeule, elle fut toujours bonne,
Du haut du Ciel, elle aime encore ses enfants
Qu’elle repose en paix ! Nos coeurs reconnaissants
Formeront ici-bas sa plus belle couronne.

Homme vertueux, toujours bon et tendre
Que le Seigneur m’a ravi
Dans un monde meilleur, ton âme doit m’attendre
Quand serons-nous réunis ?

Tu fus vierge pourDieu ! Pour nous toujours si bonne ! Tes vertus, comme autant de fleurs, ont embelli ton âme, et forment ta couronne. À toi, le Ciel ! À nous, les pleurs !

Jeune vierge âgée de vingt ans, elle était belle mais la beauté de sa figure était loin d’égaler celle de son âme. Elle était la joie de sa famille, l’espoir d’un père, l’ange de la maison !!! À peine sur le seuil de la vie, elle s’est envolée vers les cieux !!

Son âme assurément a dû monter aux cieux
Tant ce brave Breton fut honnête et pieux.

La partie gauche et celle située derrière la chapelle regroupent les tombes modernes qui sont d’un intérêt moindre. On y repère néanmoins la dalle récente d’un amateur de randonnées représenté sur sa dalle avec l’épitaphe Tu as pris un autre chemin, ainsi qu’un défunt au prénom original : Zoël.

Quittons les lieux (en sortant du cimetière, vue magnifique sur Saint-Paul-de-Vence dont le cimetière vaut le détour et pas seulement parce qu’il abrite la tombe de Marc Chagall…) en déplorant que ce si beau sarcophage drapé soit considéré comme sépulture abandonnée et menacée d’une procédure de reprise.

 

Horaires :
Du 1er octobre au 30 avril : 8h30 – 18h.
Du 1er mai au 30 septembre : 7h30 – 20h.