En retrait de la ville, dans les collines, Gairaut est un peu à Nice ce que La Treille est à Marseille : un village paisible où les rumeurs citadines parviennent estompées. Y vivre est un privilège, y reposer peut-être un apaisement tant le site est exceptionnel.

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Poncif de dire d’une telle vue qu’elle coupe le souffle mais c’est ici le cas, surtout lorsqu’on arrive déjà fourbu par l’ascension du chemin forestier et escarpé de l’église Saint-Sauveur. Tout Nice est à nos pieds et ce seul paysage impose de venir, de s’arrêter et d’admirer.

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Disposé en terrasses, ce petit cimetière très propre qui se parcourt en vingt minutes retient et envoûte, non par sa statuaire comme Cimiez ou le Château, mais par ce contraste entre les tombeaux, souvent modernes et bien rangés, et cet horizon maritime devant quoi s’intercalent les villas proches surgies des arbres et la grande ville qu’on devine frénétique :

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La dynastie Médecin trône en majesté, isolée de ses anciens concitoyens, dans la perspective de l’entrée (on a pompeusement baptisé ces quelques mètres « Avenue de Nice »).
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Un tel ordonnancement est rare : buis taillés, pelouse au cordeau, dallage impeccable, quelques marches en guise d’estrade et, disposées alentour, les tombes de leurs proches.
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Ici reposent sous une dalle blanche immaculée :
Alexandre Médecin (1852-1911), avocat, conseiller général de Nice. Son tombeau d’origine est curieusement placé à l’entrée du cimetière mais à l’extérieur.
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Jean Médecin (1890-1965), fils du précédent, maire de Nice de 1928 à 1943 puis de 1947 à 1965, député des Alpes-Maritimes de 1932 à 1939 puis de 1945 à 1962 (il fut sénateur du département de 1939 à 1944), président du Conseil général des Alpes-Maritimes de 1951 à 1961, il se rêva un destin national sous la IVè république, se portant candidat à la succession de Vincent Auriol.
La grande avenue commerçante reliant la gare à la place Masséna porte son nom.
Jacques Médecin (1928-1998), fils du précédent. Maire tonitruant de Nice de 1965 à 1990 (il dut démissionner après sa mise en examen pour délit d’ingérence), député des Alpes-Maritimes de 1967 à 1988, président du Conseil général des Alpes-Maritmes de 1973 à 1990. Il fut aussi secrétaire d’État au Tourisme en 1976.
Exilé en Uruguay pour fuir la justice, il fut finalement arrêté, extradé et emprisonné avant de repartir finir ses jours à Punta del Este (il y faisait commerce de maillots de corps et d’ antennes paraboliques). Le mot « clientélisme » revient comme une antienne dès qu’on évoque sa vie politique.

Le successeur de Jacques Médecin est enterré en contrebas : Honoré Bailet (1920-2003). Il fut maire de Nice de 1990 à 1993 mais aussi sénateur des Alpes-Maritmes de 1989 à 1998.

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L’année 2015 vit le cimetière de Gairaut accueillir une autre célébrité niçoise, fauchée si tôt et de manière si injuste :
la championne olympique de natation Camille Muffat (1989-2015), décédée en Argentine dans un accident d’hélicoptère, lors du tournage d’une émission de télévision.
Son palmarès impressionne : championne olympique du 400 mètres nage libre mais aussi vice-championne olympique du 200 mètres nage libre et médaille de bronze du 4 x 200 mètres nage libre, le tout à Londres en 2012; elle fut aussi championne monde du 200 mètres nage libre en petit bassin, à Dubaï, en 2010.
Discrète autant qu’intelligente, à mille lieues des scandales, elle réalisa la carrière parfaite et ne défraya la chronique que par sa mort.
Sur sa tombe sont représentés les anneaux olympiques.
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Lors de ma visite, une prière indienne, ornée de sa photo, était déposée sur la tombe :
À ceux que j’aime et ceux qui m’aiment, quand je ne serai plus là, ne pleurez pas en pensant à moi, soyez reconnaissants pour les belles années où je vous ai donné mon amitié.
Vous pouvez seulement deviner le bonheur que vous m’aurez apporté.
Je vous remercie de l’amour que chacun m’a démontré.
Maintenant il est temps de voyager seule.

Outre un prénom féminin rare, Addine, deux tombes de militaires ont aussi retenu mon attention, celles de Georges Guitton (1907-1983), général de brigade et du vice-amiral d’Escadre Jules Vilbert (1911-2004).

Enfin, sur la tombe de la famille Empys de Theval de Vendin, j’ai appris :
Miss Julia Phillips
Née à Louisville (E. U.) en 1868
Décédée à Nice le 22 juillet 1944
Repose ici près de ceux qu’elle a
Servis avec dévoument
(sic)
Soixante années durant.
Priez pour elle !