Berceau de la famille de Guérin (le château familial du Cayla est devenu un musée qui leur est consacré), le village d’Andillac, admirablement rénové, recèle en son petit cimetière, contre le mur de l’église, le monument funéraire de Maurice (1810-1839) et Eugénie (1805-1843) de Guérin.
Lui, un temps attiré par la prêtrise, devint un poète païen sous l’influence de son ami Jules Barbey d’Aurevilly (inhumé dans la Manche, à Saint-Sauveur-le-Vicomte). Mort inconnu, vaincu par la tuberculose à vingt-huit ans, ses poèmes en prose, dont Le Centaure et La Bacchante, furent publiés de manière posthume par George Sand.
La musicalité de sa phrase n’a que peu d’égales. Ainsi, ces lignes que j’extrais du Centaure :
La jeunesse est semblable aux forêts verdoyantes tourmentées par les vents : elle agite de tous côtés les riches présents de la vie, et toujours quelque profond murmure règne dans son feuillage. Vivant avec l’abandon des fleuves, respirant sans cesse Cybèle, soit dans le lit des vallées, soit à la cime des montagnes, je bondissais partout comme une vie aveugle et déchaînée. Mais lorsque la nuit, remplie du calme des dieux, me trouvait sur le penchant des monts, elle me conduisait à l’entrée des cavernes et m’y apaisait comme elle apaise les vagues de la mer, laissant survivre en moi de légères ondulations qui écartaient le sommeil sans altérer mon repos.
Sa soeur aînée, Eugénie, ne se remit jamais de sa mort et ne lui survécut que neuf ans. Elle composa quelques poèmes mais laissa surtout une correspondance et un Journal (1834-1841) qui témoignent de sa piété et d’une affection toute maternelle. Nous connaissons ses oeuvres grâce à Barbey d’Aurevilly et surtout Guillaume Trébutien (inhumé à Caen au cimetière des Quatre-Nations ).
Le médaillon qui orne leur monument est l’oeuvre du sculpteur tarnais Gabriel Pech. Caroline, la jeune veuve de Maurice de Guérin, s’associa à sa belle-soeur pour lui ériger ce témoignage d’amour qui attire encore ses admirateurs et sur lequel nous lisons : À la mémoire de Maurice de Guérin par les soins de sa veuve et de sa soeur Eugénie après qu’il se fût éteint dans leurs bras à la fleur de l’âge. Ici repose mon ami qui ne fut mon époux que huit mois. Adieu !