Nous sommes au sommet nord-ouest de la presqu’île du Cotentin.
Si sa statue trône au centre du village, l’enfant du pays, le peintre Jean-François MILLET (1814-1875), repose bien loin d’ici, au cimetière de Chailly-en-Bière, en Seine-et-Marne.
Autour de l’église Sainte-Colombe, qu’il a peinte, voici un petit cimetière où le pèlerin s’oxygène, aperçoit la mer et découvre une épitaphe dans le plus pur style romantique.
Le tableau de Millet visible au musée d’Orsay :
Le monument le plus remarquable est celui de l’écrivain et professeur Jean FLEURY (1816-1894), natif du proche village de Vasteville, qui enseigna les Humanités en Russie de 1857 à 1892.
Le sonnet qu’il avait composé pour orner sa dernière demeure se déchiffre encore de nos jours sans difficulté :
Mon tombeau
Amis, quand vous m’aurez conduit au cimetière
N’entourez mon tombeau que d’objets souriants.
De signes de regrets, de cyprès larmoyants
Gardez-vous d’attrister ma demeure dernière.
Placez-y des lilas aux thyrses ondoyants
Que le zéphir balance ainsi qu’une crinière
D’humbles fleurs émergeant de ces touffes de lierre
Qui rampe, l’hiver même, en tapis verdoyants.
Que l’ombre y soit touffue et que l’ombre y gazonne
Que le pinson y chante et la mouche y bourdonne
Qu’on entende les cris des oiseaux querelleurs.
Loin des prés odorants, loin des coteaux fertiles
J’ai vécu de longs jours exilé dans les villes
Laissez-moi m’endormir au doux parfum des fleurs.
Grand érudit, il laissa une oeuvre abondante où se mêlent études sur Rabelais, Marivaux ou Bernardin de Saint-Pierre, ouvrages de « cosmographie » ou de grammaire, écrits régionalistes sur le patois et les traditions du nord du Cotentin.
Sa fille, Alice Fleury (1842-1902), publia sous le nom d’Henry GRÉVILLE des contes et des romans qui furent salués par Maupassant. Elle repose au cimetière Montmartre.
Autre résident digne d’être salué, Maurice LEDUC (1793-1885) dont le grand obélisque m’apprit qu’il était agrégé de l’Université.
Sur la tombe voisine, dans le même enclos, celle qui était peut-être sa fille (Alexandrine LEDUC 1828-1915) dort sous cette épitaphe :
Elle est partie de ce monde enrichie de bonnes oeuvres et les pauvres la cherchent encore.
Plus loin, une plaque rappelle la vocation militaire de la région de Cherbourg et la traversée des années les plus sombres.
En quittant les lieux, adresser un ultime regard à la statue de Jean-François Millet par Marcel Jacques (inaugurée en 1898, fondue sous l’Occupation puis refaite à l’identique en 1998), bien visible depuis le cimetière.
Il va de soi que l’enclos funéraire de Gréville-Hague doit se visiter en même temps que le plus célèbre de la région, celui d’Omonville-la-Petite où repose Jacques PRÉVERT (1900-1977), distant de seulement quelques kilomètres.