Chacun connaît, ou le devrait, la fin des Mémoires d’outre-tombe :

En traçant ces derniers mots, le 16 novembre 1841, ma fenêtre, qui donne à l’ouest sur les jardins des Missions-Étrangères, est ouverte : il est six heures du matin; j’aperçois la lune pâle et élargie; elle s’abaisse sur la flèche des Invalides à peine révélée par le premier rayon doré de l’Orient; on dirait que l’ancien monde finit, et que le nouveau commence. Je vois les reflets d’une aurore dont je ne verrai pas se lever le soleil. Il ne me reste qu’à m’asseoir au bord de ma fosse; après quoi je descendrai hardiment, le crucifix à la main, dans l’éternité.

François-René de Chateaubriand (1768-1848), mort presque octogénaire et veuf depuis peu, dans un Paris tout juste remis des Journées de juin (Quel est ce bruit ? – C’est la Révolution. – Je veux y aller !), précéda Juliette Récamier de quelques mois.
À sa demande, il fut ramené vers sa ville natale de Saint-Malo où, après des années de démarches, il avait obtenu du ministère de la Guerre (propriétaire du terrain) et des autorités municipales (qui ouvrirent une souscription pour financer le monument !) le droit de reposer solitaire, sur l’îlot du Grand Bé, face au large.
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Une solide croix de granit cernée sur trois côtés de bornes et de chaînes (qui furent remplacées en 1948 en raison des dégâts causés par les bombardements) domine une dalle nue, ceile-là même que Sartre serait venu compisser (Beauvoir dixit).
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Oublions ce type de pèlerinage pour lire ou relire celui qui domina son temps comme Hugo (qui souhaitait être Chateaubriand ou rien) le sien, fut ministre, ambassadeur, exagéra ses mérites en bien des points (il n’explora pas toutes les terres qu’il décrivit ni ne vécut certaines rencontres dont il se prévalut), fit montre d’un tel orgueil que Talleyrand, en connaisseur, prétendit qu’il devenait sourd lorsqu’il n’entendait plus parler de lui mais servit aussi de maître à penser à la génération romantique et offrit un tombeau à Nicolas Poussin.

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Près de la tombe, une plaque porte ces simples mots :
Un grand écrivain français a voulu reposer ici pour n’y entendre que la mer et le vent. Passant, respecte sa dernière volonté.

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L’endroit est accessible à pied mais seulement à marée basse depuis la plage de Bon-Secours.