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Une sépulture inattendue, en dehors de tout cimetière : celle de l’écrivain et poète Anatole Le Braz (Anatole Le Bras) (1859-1926). Visage essentiel du Trégor littéraire, comme Ernest Renan (inhumé au cimetière Montmartre) ou Charles Le Goffic (enterré à Trégastel), il recueillit les témoignages qui composent la fascinante Légende de la mort en Basse-Bretagne, indispensable pour comprendre l’âme bretonne et son rapport à la mort.

Écrivant presque exclusivement sur la Bretagne, en langue française, hormis ses poésies dont beaucoup n’ont pas été publiées (il voyait dans le breton un obstacle à la pénétration de la langue civilisatrice française mais tenait à sa préservation mémorielle; au lycée de Saint-Brieuc qui porte désormais son nom se lit sa phrase célèbre : Ici, j’apprenais le français pour chanter la Bretagne.), il fut nouvelliste, chroniqueur mais aussi folkloriste, et transmit la mémoire populaire armoricaine.

Sa parole porte encore aujourd’hui :
Ô Bretagne, sache faire à la civilisation sa part, mais sous le prétexte de mettre en valeur tes ressources, ne laisse pas ruiner la plus précieuse de toute : ta beauté.

Universitaire, il travailla longtemps en Suisse et surtout aux États-Unis (sa seconde épouse était américaine) avant de mourir à Menton mais fut inhumé ici, par privilège.
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Ce petit bois se traverse rapidement. On le trouve en quittant le coeur de la si jolie petite cité de Tréguier (où se doivent visiter la cathédrale et le cimetière) et en descendant vers la rivière (le Guindy).
Il est, hélas, devenu depuis quelques années le repaire à la belle saison des amateurs de « camping-car » (je place les guillemets en connaissance de cause pour dénoncer ce faux anglicisme mais crains d’être mal compris si j’écris directement autocaravane) qui lui retranchent beaucoup de sa solennité (vers la tombe du poète fusent, l’été, des interpellations ainsi que des propos concrets où reviennent souvent les mots « rosé » et « cubitainer » (le mot « vinier » n’a pas encore en France rencontré le succès); expérience vécue).
On regrettera aussi la dégradation du panneau indiquant la sépulture :

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Consolons-nous avec ce bel alexandrin qui lui tient lieu d’épitaphe :
Je suis un fils des monts adopté par la mer.

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