Le 17 janvier 2011 mourait Jean DUTOURD (1920-2011).

Dans son passionnant Salon des Immortels, Une académie très française (Denoël, 2002), voici ce qu’en écrit le journaliste québécois Louis-Bernard Robitaille qui connaît si bien notre pays :

Il y a du militaire dans l’allure de Jean Dutourd : britannique, il aurait pu être colonel dans l’armée des Indes. Téléporté au XVIIè siècle, on le verrait bien dans la peau de quelque chef de spadassins, ou des gardes du cardinal de Richelieu, ou des mendiants de Saint-Eustache. Un personnage de soudard, amateur de gauloiserie pas franchement légère, qui cultiverait en secret son adoration de la littérature et de la poésie. En ces temps de politiquement correct et de conformisme, pourquoi bouder son plaisir de trouver un académicien longtemps abonné aux « Grosses Têtes », même si l’on n’est pas un auditeur fidèle de l’émission populaire-populiste de RTL où l’on cultive la plaisanterie plutôt grasse.
« Vous savez, dit-il en vous recevant chez lui, qu’on a fait pression sur moi d’une façon insensée pour que j’arrête les « Grosses Têtes » si je voulais être élu à l’Académie ? J’ai répondu non, il n’en est pas question. J’ai commencé les « Grosses Têtes » quand Bouvard les a inventées, en 76
[en réalité, 1977], et j’ai été de l’Académie en 78. Et tout le monde me disait : tu ne peux pas être à l’Académie et aux « Grosses Têtes » en même temps. Et je disais : nous verrons bien. Et puis voilà, j’ai fait les deux, les « Grosses Têtes » ne m’ont pas empêché d’être de l’Académie. C’est pas mal, finalement ! Moi je vomis la morale actuelle, mais j’aime bien la morale ancienne, le culte de la loyauté, de la fidélité. Et puis, ça m’amusait bien les « Grosses Têtes ». Je ne me suis jamais emmerdé de ma vie, j’ai toujours fait ce que je voulais. Je ne suis pas monté bien haut mais ce que je voulais,je l’ai fait. J’ai écrit les livres que je voulais écrire. »

(…)

Il se flatte par ailleurs d’occuper le fauteuil du plus grand renégat de l’histoire de l’Académie, ce Furetière qui osa faire à lui tout seul un dictionnaire et le terminer dix ans avant les Immortels :
« Quand j’ai été élu, il y a de ça vingt-deux ans, le secrétaire perpétuel de l’époque, qui était M. Mistler, a dit : le trente-et-unième fauteuil, c’est tout à fait un fauteuil pour vous, il a déjà reçu deux exclus et un guillotiné. L’exclu numéro un, c’était Furetière ; le deuxième, ce fut Siéyès, pour cause de régicide. Et le guillotiné, c’était Monsieur Bailly, partisan de la Révolution et maire de Paris. C’était tout à fait pour moi en effet. »

Au cimetière Montparnasse, où la littérature est si densément présente, sur la tombe de cet amoureux de la tradition, les deux mêmes mots que sur celle de Paul Léautaud (dont on célébrera demain, 18 janvier, le 150è anniversaire de la naissance), au cimetière ancien de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine) : Écrivain français.