Il y a cent ans, le 22 novembre 1923, était (peut-être) née Rosy Varte (« peut-être » car d’autres dates ont circulé, toutes postérieures, jusqu’en 1927, ce qui m’autorise à publier cet article avec quelques heures de retard…).

Indubitables, en revanche, la ville où elle vit le jour, Constantinople (qui ne devint Istanbul qu’en 1930) qu’elle quitta à l’âge de trois mois, et ses origines, arméniennes.

S’étant choisi un nom de scène rappelant son prénom (elle s’appelait Nevarte Manouelian), elle débuta sur les planches et au cinéma dès l’après-guerre (une apparition dans Manon de Clouzot en 1949) avant de connaître ses premiers succès dans Cinémassacre (spectacle de sketches concocté par Boris Vian en 1952 pour Yves Robert et sa troupe au cabaret de la Rose rouge) ou Ubu roi (à Chaillot, avec la troupe du TNP de Jean Vilar). Passant avec aisance de Brecht à Jean-Loup Dabadie, de Hugo à Obaldia, elle rejoignit la Comédie-Française en 1971, servant cette fois Sophocle, Shakespeare et Molière.

Dans le même temps, elle était au cinéma Bettine, la soeur de Benjamin (Jacques Brel) dans Mon oncle Benjamin (1969)

avant de se spécialiser dans les rôles de mère (elle était déjà celle de Catherine Deneuve dans Un monsieur de compagnie de Philippe de Broca, en 1964), celle de Guy Bedos dans Le Pistonné de Claude Berri (1970), de Claude Brasseur dans l’inénarrable Viager de Pierre Tchernia (1973),

de Marie-France Pisier dans L’Amour en fuite de François Truffaut (1979), de Christian Clavier dans Rock and Torah de Marc-André Grynbaum (1983), de Sophie Marceau dans Joyeuses Pâques de Georges Lautner (1984).

Toutefois, c’est à la télévision (où son visage et son allure, remarqués dans de nombreux téléfilms, étaient familiers des aficionados d' »Au théâtre ce soir ») qu’elle devait connaître la consécration populaire en incarnant Maguy, au long de 333 (!) épisodes diffusés sur Antenne 2 (puis France 2) le dimanche soir (face au 7/7 d’Anne Sinclair sur TF1) de 1985 à 1994.

Jean-Marc Thibault (son mari, gérant du magasin « Maxi-Boissier-Discount »), Marthe Villalonga (sa femme de ménage), Sophie Artur (sa fille), Henri Garcin (son voisin) étaient les autres principaux protagonistes de cette série, phénomène de société, contant la vie quotidienne d’une énergique bourgeoise quinquagénaire.

Beaucoup plus rare après Maguy, Rosy Varte mourut à 88 ans (si 1923 est bien son année de naissance) le 13 janvier 2012, victime d’une infection pulmonaire.
On nota à ses obsèques la présence du plus illustre des franco-arméniens, Charles Aznavour.

Au cimetière Pasteur de Bagnolet (Seine-Saint-Denis), inutile de dire que les visiteurs sont peu nombreux devant sa tombe où l’a rejointe son mari, le réalisateur Pierre Badel (1928-2013).