Le 7 septembre 1866 naissait Tristan Bernard, à Besançon et dans la même rue que 64 ans plus tôt Victor Hugo (lui au n° 138, moi plus modestement au n°23 ; joli clin d’oeil, en 1934, Raymond Bernard, son deuxième fils, devenu réalisateur de cinéma, adapta Les Misérables, avec le prodigieux Harry Baur), ne se prénommant encore que Paul (il signa plus tard Tristan après qu’un cheval ainsi baptisé lui avait fait gagner une jolie somme aux courses).

Avocat loin la Cour d’appel comme aimait à dire son parfait contemporain Georges Fourest (inhumé au Père-Lachaise et si peu visité), directeur d’une usine d’aluminium puis du vélodrome Buffalo (démoli pendant la Première Guerre mondiale, il se trouvait à Neuilly, non loin de la porte Maillot) où il aurait inventé la cloche annonçant le dernier tour, ce faux paresseux (Je suis un contemplateur fervent de l’effort d’autrui) multiplia romans, nouvelles, pièces de théâtre, mais aussi définitions de mots croisés, qu’il préfère nommer mots en croix (Fréquente le palais et menace la couronne : caramel), toujours à savourer cent ans après comme de précieux alcools, sans madérisation.

Arrêté et interné à Drancy en 1943 parce que juif, il en fut libéré grâce à la double intervention d’Arletty et de Sacha Guitry (il était un des « Quatre Mousquetaires » de ce dernier avec son père, Lucien, Alfred Capus et Jules Renard qui déjeunaient ensemble deux à trois fois par semaine dans les années 1900) tandis que François-René, son petit-fils (fils de son aîné Jean-Jacques, devenu lui aussi auteur dramatique et enterré à Loguivy-de-la-Mer, en Côtes-d’Armor), mourait à Mauthausen. Accablé par le chagrin (J’en ai assez, avait-il confié à Sacha Guitry peu de temps avant sa mort), il s’éteignit (La mort, c’est la fin d’un monologue.) le 7 décembre 1947 dans une grande discrétion, toute la France rendant alors hommage au général Leclerc de Hauteclocque.

Si ses pièces attirent aujourd’hui moins de public que celles d’un de ses petits-neveux, Francis Veber, tout amateur de Brassens connaît (parfois sans le savoir) du Tristan Bernard : l’ultime strophe de Marquise où il donne la réplique à Corneille en personne (Peut-être que je serai vieille / Répond Marquise, cependant / J’ai vingt-six ans, mon vieux Corneille / Et je t’emmerde en attendant).

Air à fredonner en se rendant sur sa tombe à Paris, au cimetière de Passy où, il y a quelques jours, la mousse recouvrait son nom.