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Dans l’ordre des écrivains, je ne place personne au-dessus des stylistes. C’est dire l’admiration que je nourris pour Michel Chaillou (1930-2013).

Auteur d’une trentaine d’ouvrages dont beaucoup parus à la fin de sa vie après une longue carrière vouée à l’enseignement des lettres, il fut lauréat du grand prix de littérature de l’Académie française en 2007 pour l’ensemble de son oeuvre.

Ce site permet de le découvrir.

J’ai eu le bonheur de le connaître (on nous avait fait signer nos livres sur des tables voisines, il y a vingt ans, à Saint-Étienne) et ouvre toujours avec émotion l’exemplaire de La France fugitive (amoureux de la France et de notre langue à son plus haut degré, précipitez-vous sur ce récit d’un long vagabondage en voiture avec sa femme, de Coulommiers à Marvejols, de Cassis à Vendôme, d’une incroyable érudition) à la page de garde ornée de sa belle écriture tremblée.

Goûtez le début du chapitre « L’envie de Châteaudun » :

Sans doute qu’affamés de plein air, on s’attarde, paresse au moins deux jours en Beauce. Je relève des traces de notre passage un peu partout dans mes carnets notes de voyage, poussière et chaleur, chaleur qu’aiguise parfois la pointe sempiternelle d’un clocher, signal d’un débat théologique parmi les corbeaux, nombreux à s’exprimer en Beauce, ainsi au prieuré de Puiseaux, au Moyen Âge annexe de la fumante abbaye parisienne de Saint-Victor, démolie sous Napoléon au profit de l’ex-Halle aux Vins.
Tout invite en Beauce à méditer le lointain, puisque rien ne s’approche quoi qu’on se rapproche. Serait-ce par pudeur ? Parce que la France s’y montre à nu dans l’exclamation envolée des moulins, vifs autrefois à brasser le vide de cette platitude ? Espère-t-on, à force d’user de nos pneus la myriade de petites routes volages, battre ainsi le rappel de ce pays de l’horizon, qu’à un moment, contre toute attente, il nous attende, formalise ses traits dans le creux d’une mare, même artificielle, au lieu de continuer éperdument à fuir par toutes ses lignes ?

De nos temps où le mot capitule devant l’image, n’est-ce pas sublime ?

Éditeur, il créa et dirigea la si belle collection « Brèves littérature » chez Hatier dont les vingt-quatre volumes sont tous plus enthousiasmants les uns que les autres (Les Villes imaginaires dans la littérature française, Les baromètres de l’âme (naissance du journal intime), Petit guide pédestre de la littérature française au XVIIè siècle (1600-1660), Histoire de la neige (la Russie dans la littérature française)…

Son urne cinéraire a été déposée, au cimetière Montparnasse, le long du mur de la 16è division, dans une de ces vieilles chapelles réhabilitées par la Ville de Paris et transformées en petits columbariums.

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Allez-y mais surtout, lisez-le.

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