C’est à Paray-le-Monial, cité bourguignonne où repose dans une châsse de la chapelle de la Visitation sainte Marguerite-Marie Alacoque (1647-1690) mais où naquit aussi Émile Buisson (1902-1956), l’ennemi public n°1 au temps du président Vincent Auriol (avoir aussi vu le jour là-bas donna qui sait à Dominique Rizet sa bosse de la criminologie), qu’elle entra en scène le 11 janvier 1923.

Pensionnaire vingt ans plus tard du cours Simon, elle y côtoya Pierre Mondy, avant de décrocher un premier rôle au théâtre dans une reprise de Maya, pièce de Simon Gantillon (qui, comme Pierre Mondy, repose au cimetière nouveau de Neuilly-sur-Seine) dont la vedette était alors Marguerite Jamois (inhumée au Père-Lachaise).

Longtemps cantonnée aux emplois de vieille fille frustrée (dans le film de 1954, Ah, les belles bacchantes, aux scènes souvent très dénudées, on lui réserve le rôle de… la directrice du théâtre), plutôt mal servie au cinéma, elle finit par s’imposer comme la reine incontestée du théâtre de boulevard.

 

Tour à tour, Françoise Dorin (qui, elle aussi, est enterrée au cimetière nouveau de Neuilly-sur-Seine) (La Facture), Jean Poiret (dont la tombe est au cimetière Montparnasse) (Féfé de Broadway), mais surtout Marcel Mithois (Croque-monsieur, Coup de soleil) et le duo Pierre Barillet/Jean-Pierre Grédy (Folle Amanda, Potiche, Lily et Lily) lui concoctèrent des pièces comiques où son abattage et son énergie emportaient tout, garantissant une salle pleine pour la saison et souvent même la suivante.

Éternelle angoissée, elle n’hésitait pas à réécrire certaines scènes à son avantage comme l’a raconté, à propos de Folle Amanda, Pierre Barillet (À la ville comme à la scène, éditions de Fallois, 2004) :

Ce à quoi Jacqueline tenait le plus, c’est à l’émotion. Ce n’est pourtant pas dans cette teinte-là qu’elle donne le meilleur d’elle-même. Si elle est incomparable d’originalité inattendue dans le comique, elle ne fait pas vibrer mieux que beaucoup d’autres la note sensible. La preuve en est : au moment le plus dramatique de la comédie, l’héroïne, sur le point de se suicider, versait dans un verre d’eau un tube de barbituriques qu’elle hésitait à boire, tenant les spectateurs en haleine…
Après n’être pas venus la voir au théâtre pendant une semaine, Maillan nous accueillit avec un sourire triomphant : « Ça y est ! Je l’ai trouvé, mon suicide ! Allez en juger par vous-mêmes dans la salle ! » Et à notre stupéfaction, nous l’avons vue précipiter dans le verre des comprimés d’Alka-Seltzer dont les pétillements lui inspiraient pendant de longues minutes d’inénarrables grimaces qui faisaient se tordre de rire la salle. C’était ça, l’émotion qu’elle nous incitait à provoquer ? « Vous comprenez, mes enfants, nous expliqua-t-elle, le silence du public me pétrifiait. Je ne suis pas habituée ! »

(…)
Dans sa maturité, avec le vedettariat tout nouveau, lui vint la coquetterie de séduire. Elle n’était pas satisfaite qu’à la fin de la pièce, l’homme de son coeur la laissât tomber, dût-elle retrouver le goût de la vie en l’insufflant à une jeune chanteuse à l’aube de sa carrière, et à laquelle elle s’identifiait.
Un soir que nous passions pour une visite impromptue au théâtre, quelle fut notre surprise de voir, contrairement à ce qui avait été écrit et mis en scène, le héros, Daniel Ceccaldi, réapparaître et revenir amoureusement vers elle, avant le dernier rideau. Et comme nous nous insurgions contre ce changement contraire à la vraisemblance et qui affadissait la fin de la pièce, Maillan de l’expliquer : « Le public était tellement déçu de me savoir abandonnée ! Maintenant, nous avons trois rappels de plus tous les soirs, et les gens rentrent ravis chez eux ! »

Signalons que Daniel Ceccaldi est inhumé à Meaux (Seine-et-Marne), dans l’ancien cimetière, tandis que son autre partenaire « historique », Jacques Jouanneau, repose en Charente, à Villejésus.

Victime d’une hémorragie interne le 12 mai 1992, à l’âge de 69 ans (son dernier spectacle, Pièce montée, lui avait été offert quelques mois plus tôt par un de ses jeunes admirateurs, Pierre Palmade), Jacqueline Maillan ne fut pas enterrée au cimetière de Passy, situé sous ses fenêtres, mais auprès de son mari, l’auteur et compositeur Michel Emer (1906-1984), au cimetière parisien de Bagneux, nécropole bien trop excentrée, en dépit du prolongement de la ligne 4 du métro, pour attirer nombreux ce public qui comptait tant pour elle.