Le 12 décembre 1923, à cinq heures du matin, Raymond Radiguet, vingt ans, mourait de la fièvre typhoïde à la clinique du docteur Baup, rue Piccini. Trois jours avant, dans son délire, il confiait à Jean Cocteau qu’il allait être fusillé par les soldats de Dieu ! Puis Il y a une couleur qui se promène et des gens cachés dans cette couleur. (…) Vous ne pouvez pas les chasser puisque vous ne voyez pas la couleur.
On l’inhuma (Cocteau, brisé, ne vint pas) au Père-Lachaise où, deux semaines plus tôt, il avait accompli sa dernière sortie à l’occasion des obsèques du jeune Philippe Daudet, quatorze ans… Ce jour-là, son visage avait effrayé Valentine Hugo qui le trouva méconnaissable, si gonflé, si changé…
Sa tombe, dans le bas de la 56è division, en retrait de l’allée, n’est pas de celles devant lesquelles on passe mais de celles vers lesquelles on va.
Ne surtout pas croire que celui dont l’éditeur Bernard Grasset (dont la tombe est aussi au Père-Lachaise, dans la 88è division) disait Pour la première et unique fois de ma vie, j’ai eu la certitude de me trouver en présence d’un génie, n’écrivit que Le Diable au corps et Le Bal du comte d’Orgel. Son oeuvre compte aussi plusieurs recueils de poèmes, des contes, une pièce (Les Pélican) et même un livret d’opéra-comique, Paul et Virginie, rédigé en collaboration avec Cocteau.
Tristan Tzara (enterré au cimetière Montparnasse) ne s’y est pas trompé :
Qui pouvait prévoir que, dans la trajectoire fulgurante que fut son existence, devait être inscrite une évolution aussi complète que rapide, le témoignage d’une vie de vingt ans qui avait déjà atteint une sorte d’accomplissement ?
Et Roger Nimier, né après sa mort (et qui repose à Saint-Brieuc), de renchérir :
Tous ceux qui ont connu Radiguet nous parlent d’un petit être myope, habituellement silencieux, qui promenait son visage de marbre au milieu des conversations et des rires. Il portait une canne pour se vieillir. Il haïssait le métier d’enfant prodige. Il refusait d’être admiré en raison de son âge. On l’accusait aussi d’avoir le coeur sec. Et pourtant, ses oeuvres complètes désignent assez clairement quels furent les deux principaux intérêts de sa vie : l’amour et l’intelligence.