Encombrement de trépassés pour la Fête nationale : qui élire entre madame de Staël (1817), Raymond Roussel (1933), Luis Mariano (1970), Léo Ferré (1993), voire même Billy the Kid (1881) ? Ajoutons que ce jour marque aussi le 250è anniversaire de la naissance de Lakanal dont la tombe, au Père-Lachaise, ne fut pas spécialement fleurie. Le choix embarrasse, optons pour quelqu’un d’autre…

Mon bisaïeul, Louis-Justin, marié à Joséphine-Héloïse Barrué, de Fontenay-aux-Roses, fut instituteur à Chennevières-sur-Marne, près de Nogent. Sa pierre tombale a servi à la construction d’une fontaine publique sur la place de la Mairie ; je l’ai vue. Il y dix ans, il existait encore des vieux qui croyaient se souvenir de leur maître d’école.

L’homme qui débute ainsi sa biographie fictionnelle (Le tout sur le tout, Gallimard, 2003) se nomme Raymond-Théodore Barthelmess, qui sonne comme un pseudonyme, mais a choisi de signer ses livres du nom, si commun d’apparence, d’Henri Calet.

Henri Calet. Un grand écrivain et un grand journaliste. Unique. L’une des voix les plus tendres et les plus cruelles de la littérature de l’après-guerre. L’un des meilleurs, sinon le meilleur chroniqueur des lendemains de la Libération lit-on exergue de ses indispensables Poussières de la route (le dilettante, 2002) où il restitue la France de Vincent Auriol, de Louison Bobet et de Charles Trenet.
Impossible de ne pas succomber à sa musique, si simple d’apparence mais aux accords inédits. Ainsi, rentrant d’un séjour en Cotentin :
Les vacances sont terminées (pour moi) , mais non pas oubliées déjà. J’ai encore la tête pleine d’herbes folles. Il me vient parfois un élancement de nostalgie, presque semblable aux premiers signes d’une rage de dents. Mais il ne s’agit pas de dents, c’est à la Normandie que j’ai un peu mal. Oui, je m’étais mis à l’approcher lentement, sans excès, et nous avions fini par nous plaire. Je l’ai broutée, mâchée à la manière des vaches ; elle est entrée en moi. Et voilà maintenant que je la rumine.

Si vous avez la chance de ne pas déjà le connaître, précipitez-vous vers lui. Je ne connais personne qui, après l’avoir lu, ne le place haut dans son petit panthéon personnel. Il mourut brutalement le 14 juillet 1956, à cinquante-deux ans, entre les bras d’une dame, ce qui achève de lui valoir notre sympathie. On l’inhuma à Vence (Alpes-Maritimes), au bas du cimetière, à côté des poubelles…
La veille de sa mort, il avait écrit ses (célèbres) derniers mots : Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes.

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