Aujourd’hui, 15 mai 2020, Michel Audiard (1920-1985) aurait eu 100 ans. Rendons-lui visite.

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Pour ce faire, pousser jusqu’au cimetière de Montrouge (dont la particularité est d’être le cimetière communal de Montrouge tout en étant situé à l’intérieur de Paris, dans le 14è arrondissement). La tombe, à l’origine celle de sa belle-famille, se révèle banalement parisienne ou banlieusarde : une triste dalle sans ornement semblable à ces milliers d’autres qui donneront la certitude aux générations d’après que le XXè siècle n’a pas rigolé tous les jours.
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Il était né tout proche, dans la rue Brézin, celle-là même qui honore l’industriel philanthrope au si joli tombeau niché dans un vallon du Père-Lachaise, trouvant dans son couffin la panoplie du parfait Parigot, mieux du Parigot du quatorzième, celui qui prend argot première langue : goût des mots bruts cultivé en autodidacte (le meilleur terreau), des balades faubouriennes, des cibiches à bon marché, des gapettes et des vins de cyclistes. Vingt berges en l’an 40 et on retrouve le soudeur en autogène du mauvais côté du trottoir faisant ses premières gammes dans des feuilles antisémites mais finissant les hostilités membre d’un réseau de Résistance.
Le journalisme le refile au cinéma où sa connaissance du populo, sa gouaille et son anarchisme de droite composent un curieux mélange qui fait merveille : personne d’autre que lui pour ciseler la phrase qui sonne juste, celle qui reste dans l’oreille au générique de fin, assurer à Gabin une seconde carrière et offrir à Bernard Blier, Francis Blanche ou Lino Ventura des répliques aussi redoutables que des balles dum-dum. On connaît la suite : son nom au générique devient une telle garantie que sa filmographie raconte trente ans de cinoche en même temps qu’une tranche d’Histoire de France : Garou-Garou, le passe-muraille (1951), Les Trois Mousquetaires (1953), Babette s’en va-t-en guerre (1959), Un taxi pour Tobrouk (1961), Le cave se rebiffe (1961), Un singe en hiver (1962), Les Tontons flingueurs (1963), Les Barbouzes (1964), Ne nous fâchons pas (1966), Le Pacha (1968), Flic ou voyou (1979), Le Guignolo (1979), Le Professionnel (1981), Garde à vue (1981), Mortelle Randonnée (1983), et beaucoup d’autres entre.

À partir de 68, le bonhomme fait sa Révolution et se glisse derrière la caméra, s’offrant une guirlande de longs métrages dont les titres interminables devaient être écrits en petits caractères sur les affiches : : Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages (1968), Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! (1969), Le Cri du cormoran le soir au-dessus des jonques (1970), Comment réussir quand on est con et pleurnichard (1974).

Écoutons-le parler en 1976, dans une émission de télévision dont on chercherait vainement l’équivalent aujourd’hui (un présentateur qui s’efface derrière son invité !)

Il survit dix ans à son fils ainé François (1949-1975), frère de Jacques, dont la mort dans un accident d’auto l’avait laissé inconsolé en même temps qu’elle lui inspirait son chef-d’oeuvre, cette fois sans besoin de recourir aux images, La nuit, le jour et toutes les autres nuits (Denoël, 1978), livre annoncé comme un roman mais où l’autobiographie affleure à chaque ligne.
Au coeur de l’été 1985, les médias annoncent son décès, le cancer étant venu s’ajouter au chagrin. Depuis, le cinéma hexagonal jacte beaucoup moins bien.

Que cet anniversaire soit l’ccasion de se souvenir de ce qu’on n’a en fait jamais oublié…

Tenez :

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Ou encore :

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Et celle-ci :

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Impossible de s’arrêter, tout est stocké dans la mémoire :
« Faut pas parler aux cons, ça les instruit. », « Conduire dans Paris, c’est une question de vocabulaire. », « Deux intellectuels assis vont moins loin qu’une brute qui marche. », « Je suis ancien combattant, militant socialiste et bistrot. C’est dire si dans ma vie j’ai entendu des conneries. »…

Dernière chose : quand le cimetière de Montrouge, où on cultive la langue verte comme dans nulle autre nécropole du pays, sera rouvert à tous et sa tombe de nouveau accessible, n’oublions pas d’y saluer aussi Albert Simonin (auteur de Touchez pas au grisbi, Le cave se rebiffe et Grisbi or not grisbi , ce dernier devenu Les Tontons flingueurs), Germaine Montero, la grande interprète de Mac Orlan, et de faire un détour par la tombe de Coluche

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