À Copenhague, au cimetière Assistens qu’il est si plaisant de visiter sous le soleil, une stèle discrètement ornée d’un homme nu et pensif porte le nom de Jørgen Frederik Ulmer : Georges Ulmer (1919-1989) !

-2344.jpg

Ici repose donc, dans sa ville natale, auprès de ses parents (un père sculpteur mort dès 1920 et une mère qui devait survivre soixante-quatre ans à son époux) celui qui bourlingua des États-Unis à l’Espagne dans sa jeunesse, mourut (naturalisé français) à Marseille mais demeure indissociable du bitume parisien et bien sûr du lieu dont il contribua au mythe : Pigalle.

-2343.jpg

Tout le Paris populaire de l’après-guerre est là, décrit avec cette gouaille qu’on retrouvera quelques années plus tard sur « Les Grands Boulevards » d’Yves Montand. Ce n’était du reste pas la première proximité entre les deux artistes (il faut écouter « Quand allons-nous nous marier ? » d’Ulmer et « Dans les plaines du Far West » de Montand pour comprendre la mode des chansons de cow-boys en 1945) et c’est fort justement qu’on lit sous la plume de Pierre Saka et Yann Plougastel dans leur Guide Totem, La Chanson française et francophone (Larousse, 1999) comme explication au rapide déclin de Georges Ulmer : Malheureusement pour lui, un autre chanteur à la voix chaude et à la gestuelle efficace apparaît sur toutes les scènes : Yves Montand.

Preuve de ce qu’il incarna pour toute une génération, ce témoignage de Pierre Grimblat, né en 1923 (Mes Vies de A à Z, Chiflet et Cie, 2013) :
En dehors de Gershwin et de sa Rhapsody in blue, j’avais trois idoles, Charles Trenet, Bing Crosby et Georges Ulmer qu’on appelait d’ailleurs le « Bing Crosby français » alors qu’il était danois. Georges Ulmer est bien oublié aujourd’hui, sauf par moi

Co-auteur des paroles avec Géo Koger (inhumé au cimetière Montparnasse) et compositeur de la musique, son hymne à la place et à son quartier (à écouter aujourd’hui avec des oreilles d’archéologue tant semblent loin les restaurants pour rupins et les athlètes en maillot soulevant « des poids d’cent kilos ») lui vaut désormais un bel hommage posthume : depuis 2005, le terre-plein central du boulevard de Clichy est rebaptisé Promenade Georges-Ulmer, l’homme grâce à qui il y a vraiment quelque chose de Paris au royaume du Danemark.

Related articles