Pierre Desproges est mort le 18 avril 1988, il y a vingt-cinq ans.
Longtemps il habita une jolie maison dans la verdure bellevilloise, adresse que j’ai beaucoup fréquentée du temps de sa présence et où je passe encore parfois mais pas consolé (y plane aussi le souvenir de Marie Trintignant qui était sa voisine). Jusqu’au printemps 1986 et son départ de Paris, il aimait venir au Père-Lachaise,souvent seul, mais nous ne devons plus être nombreux à nous en souvenir.
Et la vraie mesure des années qui passent est de me persuader aujourd’hui que plusieurs milliers de fois déjà, j’ai présenté au public l’enclos végétalisé où ses cendres furent répandues, face à la tombe de Chopin.
En manière d’hommage, les dernières lignes du superbe Desproges portrait de Marie-Ange Guillaume (Seuil, 2000) :
En 1985, en vacances à Saint-Gilles, Desproges avait rencontré Pierre Berruer, journaliste de Ouest-France qui l’avait soumis à un questionnaire vagueent inspiré de celui de Marcel Proust. Et il s’était « retiré dans son boudoir » pour méditer un peu sur les questions.
Quelle qualité préférez-vous chez l’homme ?
L’absence. J’aime bien que l’homme ne soit pas là. L’autre qualité : la féminité.
Chez la femme ?
La féminité également. Et la présence. J’aime que la femme soit là.
Quel est le comble de la bêtise ?
Ce que je viens de répondre aux deux premières questions.
Le comble du bonheur ?
La mort, quand on ne la voit pas venir… C’est gai, hein ?
De l’enterrement, je garde le souvenir d’un silence abruti et d’une espèce de printemps faux jeton, venteux, merdique. Je dois me tromper, un article de l’époque dit qu’il faisait « très beau ». (Ma mémoire fait ce qu’elle veut, elle en a le droit et ne s’en prive pas.) Quant au silence, je ne sais pas trop. Desproges aimait cette phrase, sans doute restituée de manière approximative, et dont j’ignore l’auteur : « Le bonheur se reconnaît au bruit qu’il fait en partant. » C’est joli, mais quel genre de bruit ? Un grand silence ?