Ce soir pas d’histoires anciennes ni de personnages surgis d’une époque révolue ; juste le rappel de quelques joies enfantines jamais vraiment enfouies et qui ne demandent qu’à remonter vers la surface. En l’occurrence, celle dite de réparation.
Nos dirigeants politiques viennent de nous expliquer qu’ils ne sauraient cautionner l’actuel pouvoir ukrainien en allant assister à Kiev ou Donetsk aux matchs du prochain championnat d’Europe de football. Position légitime que nous ne discutons pas. On rappellera seulement aux plus jeunes, entendons ceux qui ont découvert le jeu entre Zidane, Henry et Ribéry, qu’il y avait moins d’atermoiements quand s’ouvrit la Coupe du monde 1978, en Argentine, sous le régime, non alors qualifié de dictature, du général Videla. Ce 1er juin, la France, absente de la compétition depuis douze ans couvait l’espoir secret d’une qualification pour le second tour. Las, après trois petits tours face au pays hôte, aux Transalpins et aux Magyars, nous avions été, Pauvres et mélancoliques / Délicatement remballés, comme le Brésilien de La Vie parisienne qui, lui, avait effectué le voyage en sens inverse.
Certes, la compétition n’atteignit guère de sommets. Demeurent toutefois plusieurs figures, chères à ceux qui ont la mémoire toute ronde, déjà disparues, un tiers de siècle après. Claude Papi, le capitaine légendaire de Bastia, dont le cœur lâcha sur un court de tennis, en 1983, et qui repose dans sa ville (il y tenait un magasin où je lui avais acheté un maillot du S. E. C. B. à la tête de Maure). Bruno Pezzey, libero (aussi chevelu que Papi était dégarni) du onze autrichien, originaire du Voralberg, qui s’écroula à trente-neuf ans, un jour de saint-Sylvestre. Dirceu, Brésilien fantasque, auteur de trois buts, victime d’un accident de la route en 1995 et sûrement enterré dans un cimetière de Rio. Enfin, le plus talentueux de tous, demeuré un mythe dans son pays, le Polonais Kazimierz (à la grande époque de L’Île aux enfants, le prénom faisait sourire) Deyna, immense meneur de jeu qui s’en alla finir carrière et existence à San Diego, drame du volant et des excès éthyliques, couché à jamais au El Camino Park Memorial de la ville.

Ceux qui vibrent à la seule évocation du rectangle vert ne peuvent pas les avoir oubliés. Et doivent souscrire à cette phrase que je souligne dans l’anthologie Football et littérature de Patrice Delbourg et Benoît Heimermann (Stock, 1998) : Le ballon est dans la vie la métaphore de ce qui échappe à la raison.

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