Jacques Lebreton (1922-2006).

Chaque siècle ne voit pas naître beaucoup d’hommes tels que lui.

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Ce Brestois, né Jacques Beaugé, issu d’une fratrie de neuf enfants, force de la nature, s’était engagé à dix-huit ans dans les Forces Françaises Libres comme son frère aîné, Henri Beaugé-Bérubé (1920-2015), qui fut Compagnon de la Libération et repose au Relecq-Kerhuon, dans le Finistère, berceau de la famille.
Son existence bascula le 5 novembre 1942 lorsqu’au moment des combats d’El Alamein, un de ses camarades lui tendit une grenade dont il ignorait qu’elle était dégoupillée et qui lui explosa au visage. Le malheureux affronta des mois d’hôpitaux (Damas, Alger, Londres) et, selon ses termes, des « souffrances surhumaines », pour finalement survivre mais désormais sans yeux et sans mains.
Il renonça au suicide, retrouva la foi catholique de son enfance et consacra le reste de son existence à défendre la dignité humaine et à témoigner que toute vie, même celle du plus grand des infirmes, valait d’être vécue. Son premier livre Sans yeux et sans mains (Casterman, 1966), signé du pseudonyme Jacques Lebreton, connut un grand succès de librairie.
Il se maria, fonda une famille nombreuse (cinq enfants), rejoignit le parti communiste avant de devenir diacre et fit le choix de vivre dans les bidonvilles de la région parisienne auprès des plus défavorisés. Il donna des milliers de conférences, arrivant guidé, immense dans sa veste aux manches vides, mémoire intacte, voix puissante, bouleversant chaque fois l’auditoire par la force qui l’animait.
Je vous invite à découvrir cette émission de la chaîne catholique KTO pour mieux comprendre qui était Jacques Lebreton.

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Il mourut il y a dix ans tout juste. Sa sépulture, et je crois que l’information est inédite, se trouve au Père-Lachaise, dans un secteur excentré (la 82è division) où les touristes n’ont pas l’habitude de se perdre (pour ma part, j’y mène souvent le public qui vient m’accompagner mais il ne s’agit pas de touristes…). En ce dixième anniversaire de sa mort, n’oublions pas cet homme transfiguré par la souffrance dont les deux derniers livres ont pour titres Condamnés à l’espérance et La vie est belle à en crever.

Preuve qu’il impressionnait tous ceux qui l’approchaient, Jacques Chancel (inhumé dans la chapelle de son château des Hautes-Pyrénées), interrogé à la fin de sa prodigieuse carrière de journaliste sur la rencontre qui l’avait le plus marqué, avait répondu : « Sans hésitation, Jacques Lebreton ! ».

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