Ce n’est évidemment ni Jim Morrison ni Yves Montand ni Henri Salvador ni Bashung qui tous rallient un public fervent et nombreux devant leurs tombes au Père-Lachaise, mais le général Charles Antoine Morand, né en 1771 (la génération qui connut tout : la Révolution, la gloire de l’Empire et son agonie), dans les environs de Pontarlier. Pas de quoi émouvoir, en 2012, le gros public qui envahit les allées de la nécropole. Et pourtant…
Après s’être fait remarquer lors des guerres de Révolution, il participe à l’expédition d’Egypte, se distingue à la bataille des Pyramides, devient gouverneur de la province de Girgeh et, lorsque les revers s’annoncent, a pour tâche de négocier avec les Anglais et les Turcs l’évacuation du Caire par l’armée française. Héros d’Austerlitz (la fameuse attaque du plateau de Pratzen se fait sous son commandement), il reçoit comme marque d’estime et de reconnaissance le titre de gouverneur de Vienne. Après Wagram, il est fait gouverneur de Hambourg. Il survit à la campagne de Russie malgré une grave blessure à la mâchoire et sert l’Empereur avec fidélité jusqu’aux derniers instants de la bataille de Waterloo.
Condamné à mort par contumace en 1816, il s’exile ensuite en Pologne, le pays de sa femme (qui lui donna douze enfants), non loin de Cracovie, et rentre en France lorsque Louis XVIII annule la décision de justice qui le visait. Fait pair de France par Louis-Philippe, il est de ceux qui doivent juger Fieschi et ses complices qui ont tenté d’assassiner le roi le 28 juillet 1835 (ils l’ont raté mais ont tué dix-huit personnes dont le maréchal Mortier). Une mort aussi stupide qu’encore prématurée l’attend. À l’issue d’une séance un jour de grande chaleur, cet homme qui avait affronté victorieusement tant de périls commet l’imprudence de boire une boisson glacée qui provoque une congestion pulmonaire à laquelle il succombe le 2 septembre 1835.
On l’enterra au Père-Lachaise puis son corps (mais pas son coeur qui demeura sur place) fut ramené sur ses terres doubistes de Montbenoît. Si je conçois que rares soient les curieux à entrer dans l’ancien cimetière de Montbenoît, sa chapelle « carditaphe » parisienne, qui fit l’objet d’une rénovation récente, me semble mériter une attention qu’elle ne suscite guère (constat d’un dimanche après-midi où bien des familles en baguenaude comme s’il s’était agi d’un jardin public et non d’un cimetière, frôlaient les restes de grandes figures historiques avec une vertigineuse indifférence.)