On comprendra plus loin que je me souvienne aujourd’hui d’Yvan Quercy, personnage étonnant dont j’ai croisé deux fois la route et qui était l’incarnation physique autant que morale du gentilhomme né sur la frontière de la Gascogne et des Pyrénées.

Une première vie professionnelle l’avait mené à Luz-Saint-Sauveur, gros bourg blotti dans l’ombre du Tourmalet et qui commande aussi l’accès aux merveilles de Gavarnie, où il présidait aux destinées du casino. Puis, il avait migré vers le beau département de Tarn-et-Garonne, à Cazes-Mondenard précisément, pour tenir une auberge exaltant le terroir local. Il aurait pu s’en tenir là mais la Providence (« le nom qu’on donne au hasard lorsqu’il nous est favorable » disait Sacha Guitry) lui fit acquérir un… corbillard mis au rebut par l’invention des fourgons automobiles. Ce fut le début d’une passion qui l’emporta loin : un deuxième puis un troisième suivirent. On commença de parler alentour d’un original qui collectionnait les véhicules funéraires…
Il ouvrit un musée de l’attelage et du corbillard, attenant à son restaurant, pour présenter ses plus belles pièces ce qui attisa la curiosité des journalistes. D’année en année, le fonds s’enrichit de nouvelles carrioles et voitures glanées un peu partout. Au dessert, les convives se voyaient offrir, après la délectation des plaisirs d’ici-bas une méditation sur le dernier voyage qui nous attend tous, une fois la table desservie. Le maître de cérémonie, feutre à larges bords, cape et bacchantes de concours, tenant à la fois d’Amphitryon, de Porthos et de Charon, détaillait ses trésors qui dépassaient maintenant la centaine ! Il avait inventé, car la chose précède parfois le nom et ce n’est pas alors un crime d’ajouter à la langue, le mot de « philocorbolien » pour désigner sa marotte.

A ce titre, la télévision avait, il y a presque vingt ans, jugé plaisante la rencontre d’un « philocorbolien » et d’un « nécrosophe ». Il était venu tout exprès à Paris, aussi heureux de vanter sa région que de se confier sur sa lubie. La sympathie entre nous avait été immédiate et, l’émission finie, nous nous étions promis de prolonger notre enthousiasme chez lui autour d’une garbure, d’un confit et de quelques verres de Madiran. Nous aurions pourtant, lui comme moi, être davantage avertis que d’autres qu’on a rarement l’éternité devant soi. Plusieurs fois, je suis passé dans son département, une fois Caussade, une autre Montauban ou Nègrepelisse, sans prendre le temps de la halte. J’ai appris qu’il était mort de maladie en décembre 2006 mais que ses proches maintenaient haut son souvenir et vivante sa figure. On a crématisé le cher Yvan et, bel hommage, déposé son urne cinéraire au coeur de son musée.
Ah, dernière chose : le programme télévisé qui nous avait réunis était une émission de Jean-Luc Delarue.

Musée de l’Attelage et du Corbillard
82110 Cazes-Mondenard
Tél/fax : 05.63.95.84.02.
Entrée adultes : 5 euros.

Voir : http://fr.vivat.be/voyage/france/article.asp?pageid=1513
http://www.ladepeche.fr/article/2009/10/30/704585-cazes-mondenard-l-etonnant-musee-du-corbillard-n-est-pas-mort.html

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