Mort à l’âge de 96 ans, Marcel Bluwal (1925-2021) a été inhumé vendredi dernier à Paris, au cimetière Montmartre.

Dès 1942, je voulais faire du cinéma. Je ne voulais faire que ça. Le problème, c’est que, enfant juif, j’étais alors caché, avec ma mère, dans l’appartement d’une amie de la famille, et que durant deux ans, je suis resté cloîtré dans une chambre, sans jamais mettre les pieds dehors. Il me restait la possibilité de rêver et de me documenter. Je revisitais ma jeune mémoire avec ce que j’avais observé, dès 1941, lorsque j’avais découvert le théâtre. En effet, en 1941, j’allais quasiment tous les jours voir les pièces jouées à la Comédie-Française. (…) La technique mise en place me fascinait. Je remarquais que telle lampe s’allumait au moment où un acteur descendait à l’avant-scène, qu’il y avait soudain un truc qui permettait de mieux voir, de mieux entendre lorsqu’un personnage intervenait, que tout arrivait parfaitement au moment qu’il fallait. J’essayais de le faire remarquer à mon copain en le poussant du coude : « Regarde, c’est fait exprès ! » Lui, il était plongé dans la pièce, pas dans la mise en scène. Moi, je ne savais pas que c’était ça, la mise en scène, mais je remarquais tous ces détails que le spectateur ne voit pas, ne doit pas voir, mais qui lui permettent de mieux voir.

Ainsi expliquait-il la naissance de sa vocation. Devenu réalisateur et metteur en scène, il fut durant plusieurs décennies un des grands noms de la télévision française, soucieux d’apporter au public le meilleur de la culture. Son Dom Juan ou le festin de pierre (1965) avec Michel Piccoli et Claude Brasseur avait été un événement. Il signa ensuite, entre autres, le feuilleton Vidocq.

 

 

Lucide sur ce qu’était devenu le petit écran, il déclarait il y a quelques années  :
La télévision de maintenant est au ras des pâquerettes. Elle analyse le public pour ce qu’il – prétendument – veut, mais qui est toujours déterminé par des élites, pas toujours les mêmes. On travaille au niveau de son oeil, en supposant que cet oeil est au niveau du sol, plutôt bas. Maintenant, la télévision est le miroir des gens de tout près ; comme cela, ce sont les téléspectateurs qui se regardent ! Nous, nous avions créé l’utopie, et un certain type de spectateur. Nous avions travaillé pour lui. C’était le temps où le créateur inventait son public en supposant qu’il serait au rendez-vous.

Il y a quelques jours, venus soutenir son épouse, la comédienne Danièle Lebrun, et ses enfants, on vit à ses obsèques Ariane Ascaride, François de Closets, Jean-Pierre Darroussin, Catherine Frot, Catherine Jacob ou Pierre Santini.

Pour lui rendre visite : au bas du cimetière, 23è division, en bordure de l’avenue du Tunnel.

Les citations sont extraites de 50 ans de télévision racontés par… (Le Passeur, 2015, p. 79-99).