Ricochets de la mémoire : hier, l’anniversaire du Débarquement, aujourd’hui, le centenaire du chef d’orchestre Jacques Hélian dont la Fleur de Paris (celle que le pharmacien dorlotait dans un bocal…) est devenue l’hymne de la Libération. On ne se bouscule pas au sous-sol du columbarium du Père-Lachaise (case 15672) pour lui rendre visite. Je n’ai même pas souvenir avoir croisé quiconque le recherchant, depuis bientôt vingt-six ans, qu’il y repose. On ne m’a jamais non plus posé la moindre question à son sujet.
Un auteur au nom prédestiné, Henry Merveilleux, lui a pourtant consacré un bel album, Jacques Hélian et son merveilleux orchestre (Paul Beuscher, 1979). Quant au livre qu’il a lui-même signé Les Grands orchestres de music-hall en France (Fillipacchi, 1984), c’est un ouvrage de référence devenu une rareté. Et si j’en juge, par exemple, l’étonnante vitalité de ces vétérans de la bataille de Bir-Hakeim (juin 1942) qui témoignaient hier soir (à une heure, hélas, dissuasive pour beaucoup) sur France 3, ils doivent être encore nombreux à ne pas l’avoir oublié.
Approche le jour où l’été 1944 ne sera plus raconté par ses protagonistes mais seulement par les historiens. Il en sera alors de Jacques Hélian et de ses musiciens comme de Christiné, Scotto et, plus haut dans le temps, Béranger voire Désaugiers, des ombres dans un décor de moins en moins fidèle à la réalité. Bien sûr, Trenet nous enseigne que les chansons savent courir les rues et la foule les reprendre, un peu distraite. J’ai pourtant le sentiment qu’on n’a jamais si peu fredonné que de nos jours et que c’est à une effarante vitesse que Jacques Hélian s’éloigne.