Le 27 mars 1851 naissait Vincent d’Indy.
Formé entre autres par Antoine Marmontel (dont la tombe au Père-Lachaise est bien délaissée) puis par César Franck (inhumé, comme lui, à Montparnasse mais dans le « Petit cimetière »), influencé par les maîtres allemands, il fut un des principaux rénovateurs de la musique française et co-fonda en 1894 la Schola Cantorum pour perpétuer l’enseignement de la musique liturgique catholique.
Parmi ses très nombreux élèves (Albeniz, Varèse, Honegger, Milhaud…), Érik Satie (enterré à Arcueil), si différent de lui, mais qui devait déclarer : Je conserve le meilleur souvenir des sept années passées auprès de cet homme, si bon et si simple.
Monarchiste par tradition familiale, profondément conservateur et patriote, il manifesta toujours la plus extrême défiance vis-à-vis des modernes et de leurs audaces esthétiques, privilégiant la redécouverte et la restauration de musiques anciennes.
Émile Vuillermoz (dont les cendres sont déposées au columbarium du Père-Lachaise) dans sa monumentale Histoire de la musique (Fayard, 1949) ne cache pas sa préférence pour Debussy auquel d’Indy fut souvent opposé (mais dont il avait diffusé les premières oeuvres à l’étranger).
Au plaisir de citer cet extrait magnifiquement écrit s’ajoute celui d’employer le si rare adjectif « d’indyste » :
En réalité, un abîme séparait l’évangile d’indyste de l’idéal debussyste puisque le directeur de la Schola se passionnait pour les travaux abstraits de la morphologie, l’ajustage, la fragmentation, la superposition et la trituration des thèmes, l’histologie des cellules génératrices et toutes les subtilités architecturales de l’écriture savante, tandis que l’auteur des Nocturnes détestait ces coquetteries de mandarin, proclamait son aversion pour la musique « écrite pour les yeux, pour le papier et non pour les oreilles » et s’efforça, toute sa vie, de prêcher d’exemple pour libérer son art des rhétoriques arbitraires. Il est donc vain de chercher à dissimuler cette très nette incompatibilité d’humeur entre deux prêtres qui ne servaient pas les mêmes dieux.
À sa mort, survenue le 2 décembre 1931, on releva cette formule dans le Journal de Genève : Et maintenant l’infatigable travailleur prend son repos.
Au cimetière Montparnasse, le temps aurait presque effacé son épitaphe et celui des siens sans l’intervention récente d’un ou une anonyme venu(e) nettoyer sa pierre tombale.
Si son nom est revenu en 2013 dans l’actualité, ce fut à la faveur d’une polémique. Le Conseil de Paris, sur la demande de Ian Brossat et Alexis Corbière, a décidé (chose exceptionnelle pour un établissement public) de débaptiser le collège Vincent-d’Indy situé dans le XIIè arrondissement, en raison des prises de position antisémites du compositeur (la Schola Cantorum avait néanmoins accueilli plusieurs jeunes compositeurs juifs dont il avait encouragé les débuts), pour le renommer collège Germaine-Tillion.
En revanche, dans le même quartier, son avenue perdure.
À Montréal, il fut longtemps question de donner son nom à une station du réseau métropolitain avant de lui préférer l’économiste québécois Édouard Montpetit dont j’aurais également pu vous parler aujourd’hui puisqu’il mourut le 27 mars 1954.
Et on ne s’étonnera pas, après avoir rappelé à titre purement anecdotique que l’ancienne présentatrice de télévision et comédienne (devenue galeriste) Caroline Tresca est son arrière-petite-fille, de mon choix de clore cet article en vous proposant d’écouter (découvrir ?) son poème symphonique intitulé Souvenirs, dédié à la mémoire de son épouse (qui était aussi sa cousine), décédée en décembre 1905 dans leur château ardéchois des Faugs (que Vincent d’Indy avait fait bâtir, non loin du grand manoir familial où il passait enfant ses vacances d’été) et dont Gérard Condé soulignait dans Le Monde du 25 juin 1995 l’instrumentation et les couleurs harmoniques inouïes.