Impossible d’effacer ce 15 août 2011 où Allain Leprest ordonna sa mort, achevant à Antraigues-sur-Volane, le village ardéchois de Jean Ferrat, un destin entamé dans les deux Normandies (la Basse par sa naissance, un jour de 1954, en Cotentin; la Haute par son enfance, à Mont-Saint-Aignan, près de Rouen, titre d’une de ses plus belles chansons) et poursuivi tant à Ivry-sur-Seine que partout où vont les mots et les notes.
Deux jours avant sa mort, j’avais encore parlé de lui lors d’une conférence et dit combien il comptait pour tous ceux qui avaient la chance de le connaître. Plusieurs personnes avaient noté son nom, m’en faisant répéter l’orthographe.
Un quart de siècle (éclosion au Printemps de Bourges 1985) à ciseler des textes éblouissants et à les offrir à des publics de connaisseurs sur des mélodies brodées par des amis musiciens inspirés au premier rang desquels l’immense Romain Didier (ces tandems paroliers/compositeurs tels Souchon/Voulzy, Lanzmann/Dutronc, Djian/Eicher, Mitchell/Papadiamandis… Pourquoi si peu souvent leur adjoindre Allain Leprest et Romain Didier ?).
Ceux, dont j’étais, qui assistèrent à la soirée du 12 mars 2008, au Bataclan (jadis, on aurait dit à Ba-Ta-Clan mais la forme d’une ville change etc.), où tant de gens du métier vinrent le fêter (d’Hervé Vilard à Olivia Ruiz en passant par Daniel Lavoie et Jean Guidoni) ne pourront jamais oublier la ferveur de l’instant ni la voix au bord de la rupture ni l’incroyable jeu de ses mains virevoltant autour du micro, vraies protagonistes du spectacle. Les spectateurs, mot impropre tant celui d’amis sonnait ce soir-là plus juste, en étaient sortis bouleversés, aussi secoués que devaient être ceux qui venaient d’applaudir Brel à l’Olympia ou Brassens à Bobino.
Concluons le panégyrique en rappelant qu’il nous laisse tant de merveilles que ça suffira bien pour toute la vie et qu’après l’avoir entendu chanter, on peut l’écouter parler dans une étonnante émission réalisée par la Télévision suisse romande qui est aussi une leçon aux adeptes de l’entretien express et de l’image fugitive : 71 minutes de conversation en plan fixe !
Et ajoutons qu’il est peu d’artistes communistes encensés même par Jean d’Ormesson (« le Rimbaud du XXè siècle » lâcha-t-il un jour)…
Si vous souhaitez vous rendre sur la tombe du plus grand auteur de chansons qu’aura connu la langue française ces vingt-cinq dernières années, elle se trouve au cimetière Monmousseau d’Ivry.