Souvenir personnel de l’enterrement de Simone Signoret, le mardi 1er octobre 1985. Il y avait foule (on se méfiera des estimations chiffrées mais je témoigne n’avoir jamais revu depuis pareille affluence) cet après-midi ensoleillé, tout autour du Père-Lachaise, la consigne étant de ne laisser entrer le public dans la nécropole qu’à l’issue de la cérémonie. Je faisais partie des quelques-uns dont la présence avait été tolérée.
Après le passage de la famille et des très proches devant la sépulture (non point la tombe actuelle mais une autre, dans la même division) vint le défilé des admirateurs, des connaissances et des officiels. Déjà, les regards et les attitudes avaient changé, chacun semblant chercher Untel pour échanger des propos qui, je l’assure, n’avaient aucun rapport avec la circonstance qui les réunissait. Politiques, présentateurs d’émissions en vogue, figures du Paris mondain, aucun ne manquait à l’appel du mur de journalistes-photographes embusqués derrière la fosse et dont le crépitement des appareils scandait la procession. Chacun sa rose jetée sur le cercueil de partir deviser plus loin.
Les barrières allaient être ouvertes afin de laisser passer les anonymes quand arriva le dernier, tout dernier invité dont la mise, pull et blouson, tranchait sur celle de tous les messieurs en costume qui l’avaient précédé et qui, surtout, pleurait, pleurait toutes les larmes de son corps, lâchant la bonde de son chagrin comme aurait chanté Brassens, et restant dévasté par le chagrin de longues, d’interminables secondes devant le trou au point que les témoins de la scène en détournèrent les yeux. Ce petit homme chauve dont tous les Français connaissaient le visage sans pouvoir forcément y associer un nom, était l’acteur Dominique Zardi (plus de 500 films au compteur, comme troisième ou quatrième couteau) dont Simone Signoret avait préfacé le livre Rue des Rosiers. Lui, l’habitué des rôles de durs (petits truands, bagnards, boxeurs…) était bien, ce jour-là, le plus ému, et le plus émouvant.
Il mourut fin 2009 et fut crématisé à deux pas de l’endroit où s’était déroulée la scène. La destination finale de ses cendres ne fut pas révélée. Faute de pouvoir aller sur sa tombe, associons-le à l’interprète de Casque d’Or, quand nous passons devant la sobre dalle sous laquelle Montand a rejoint Signoret.