Le 22 décembre 1905 naissait Pierre Brasseur (1905-1972).
Le 22 décembre 2020 mourait Claude Brasseur (1936-2020).

Père et fils reposent ensemble au Père-Lachaise, dans la 59è division.

Du livre de Claude Brasseur et Jeff Domenech Merci ! (Flammarion, 2014), j’extrais ce  passage :

Je garde un souvenir précis du début du tournage de la deuxième série [il s’agit de Vidocq] : c’était le 16 août 1972. La veille, j’avais dit à ma femme : « On se couche tôt, car demain le tournage commence de bonne heure. » Ensuite on dîne en regardant la télé et le premier titre du journal annonce la mort de Pierre Brasseur…
J’ai tout de suite appelé Marcel
[Bluwal] pour lui demander de ne rien changer au programme mais surtout pour lui confirmer ma présence sur le plateau le lendemain. Je lui ai juste demandé que personne ne vienne me parler de mon père. J’ai été soulagé d’apprendre qu’il est mort d’une manière formidable, cela ne pouvait pas mieux se passer pour lui. Il venait juste de terminer le tournage d’un film d’Ettore Scola, La Plus Belle Soirée de ma vie, qui raconte l’histoire de quatre vieux interprétés par Charles Vanel, Claude Dauphin, Michel Simon et mon père. Il avait eu la chance de tourner avec trois bons copains à lui. La veille, ils avaient dîné ensemble à Brunico, un petit village perdu au fin fond de l’Italie. Après le repas, il est monté s’allonger et il ne s’est jamais réveillé. Peut-être qu’il se réveillera un jour : avec lui, on ne sait pas ce qui peut arriver car on n’est jamais à l’abri d’une surprise ! Mon père est mort dans son sommeil le 14 août 1972 juste après sa dernière journée de tournage. Quelle conscience professionnelle, quand même ! J’ai accompagné mon père à sa dernière demeure au cimetière du Père-Lachaise. Je me souviens que Jean-Paul [Belmondo] était là pour me soutenir et partager ma peine. J’ai eu un petit coup de blues quand le tournage a été terminé. Mais je crois que ça m’a fait du bien de travailler, cela m’a permis de m’aérer la tête. Ettore Scola a repris contact avec moi quelque temps après pour m’offrir le négatif d’une photographie de papa qu’il avait prise pour moi sur son lit de mort. On le voit en train de dormir, il est détendu, très beau. En regardant cette photo, je me dis qu’il s’est sans doute endormi très gentiment, en douceur. Scola m’a demandé si j’étais d’accord pour synchroniser une phrase que mon père devait prononcer dans le film. J’ai accepté, bien sûr. C’est une situation étrange, à la fois amusante et émouvante…

Et, parce que le 22 décembre est aussi le jour où mourut Jacques Chancel (1928-2014), j’ajoute cet autre propos, toujours signé Claude Brasseur, glané à la page suivante :

Les gens se sont mis à me reconnaître dans la rue. Mais je n’aime pas tellement la popularité… Je sais que ce genre de propos peut étonner dans la bouche d’un acteur, mais je fais la différence entre popularité et célébrité. Je n’aime pas la popularité parce qu’elle n’est pas forcément synonyme de qualité. De nos jours, il suffit de se montrer dans une émission de téléréalité pour être populaire. C’est un peu ce que je déplore… Je me souviens de cette époque où Jacques Chancel présentait Le Grand Échiquier et Bernard Pivot Apostrophes ou Bouillon de culture, c’était quand même d’un autre niveau. Mais on a changé d’époque et je suis persuadé qu’aujourd’hui si tu installes à la terrasse d’un café un prix Nobel de médecine ou un grand écrivain, personne ne viendra les solliciter. Par contre si à la table d’à côté tu installes la petite Nabilla, ça va être une émeute. Et pourtant d’un côté tu auras ces deux sommités reconnues et célèbres dans le monde entier, et de l’autre une fille qui, malgré sa plastique avantageuse, ne représente rien d’autre que le néant culturel, il faut bien le reconnaître. Ce nivellement par le bas me pose problème. Je sais que je vais passer pour un vieux con aux yeux de certains mais je m’en fous. On se plaint que les nouvelles générations ne soient pas assez cultivées… Mais ce n’est pas en invitant Nabilla au Grand Journal qu’on va régler le problème. Encore une fois, je n’ai rien contre cette gamine qui plus tard se rendra compte qu’elle est plus la victime d’un système qu’autre chose. (…) Entre les dérives du Net, l’avènement de la téléréalité et l’écriture SMS, on ne peut pas dire qu’on ait rendu service à notre jeunesse. Je le déplore car on nivelle nos valeurs par le bas et c’est très dangereux pour l’avenir de nos gosses. Encore une fois, je parle sûrement comme un vieux con, mais voir des gamins passer leur journée devant une console de jeu ou passer un repas de famille devant leur IPhone, moi, cela me déprime. On est en train de fabriquer une génération d’assistés et d’illettrés et le pire c’est que cela ne semble pas gêner grand monde.