Ah, ce phénoménal contre-si bémol, si pur, qui valut à Mado Robin tant d’éloges et même, selon l’anecdote rapportée par Christophe Rizoud, cette question du curé de la Madeleine : « Madame, me permettez-vous de regarder dans votre gorge ? », ce à quoi Sacha Guitry aurait répondu « L’abbé, mon ami, cette gorge est comme la grotte de Lourdes, il s’y produit des miracles. »
Il serait injuste néanmoins de réduire l’immense soprano colorature qu’elle était à une seule note, si difficile fût-elle à atteindre.
Née le 29 décembre 1918, à Yzeures-sur-Creuse (Indre-et-Loire), élevée dans un milieu favorisé, elle démontra très jeune d’exceptionnelles aptitudes au chant lyrique. Si la guerre retarda son éclosion et son engagement au Palais Garnier, elle s’imposa dès 1944 grâce à une technique époustouflante avant de connaître quinze années de triomphe dans le monde entier.
Interprète de Rameau (Castor et Pollux), Mozart (La Flûte enchantée), L’Enlèvement au sérail), Rossini (Le Barbier de Séville), Donizetti (Lucie de Lammermoor), Verdi (Rigoletto), Bizet (Les Pêcheurs de perles), Offenbach (Les Contes d’Hoffmann) ou Delibes (Lakmé), admirée des spécialistes mais aussi du grand public qui l’avait découverte grâce à la radio et à la télévision, elle se produisit à San Francisco comme à Milan ou Moscou et gardant en dépit de drames privés (la mort de son mari dans un accident de voiture et l’obligation d’élever seule leur fille unique handicapée) une gentillesse, une simplicité et une modestie qui constituaient le fond de son caractère. « Elle a toujours semblé s’excuser d’avoir du talent » disait d’elle son agent, Robert Deniau.
Elle n’avait pas encore quarante-deux ans quand le cancer contre lequel elle luttait depuis plusieurs années l’emporta, quelques jours avant la 1500è représentation de Lakmé.
Dans le silence du cimetière d’Yzeures-sur-Creuse, elle repose auprès des siens sous cette simple épitaphe
Mado ROBIN
de l’Opéra
1918-1960