Grand absent de mes safaris nécropolitains (un des rares écrivains enterrés au Père-Lachaise dont je n’ai jamais eu l’occasion de présenter la tombe au public), délaissé par les visiteurs, ignoré de la postérité, Édouard Plouvier (1820-1876) se morfond au coeur de la 51è division, pourtant située au centre de la nécropole mais bien pauvre en étoiles de première grandeur.
Nulle force centripète ne mène vers l’étroit layon où il croupit. Ce 12 novembre, jour anniversaire de sa mort, me fournit le prétexte d’une rapide évocation.
Natif (après Robespierre mais avant l’ami Bidasse) d’Arras, devenu ouvrier dans une tannerie parisienne, il fut d’abord un de ces goguettiers fournissant en refrains les sociétés chantantes alors si prospères dans la capitale. Sa signature commença d’apparaître dans les journaux (ici l’éloge funèbre du mime Deburau, là une nouvelle ou un roman-feuilleton), son nom sur les programmes de théâtre.
D’une rare prolificité, il multiplia publications et collaborations, parfois sous pseudonymes (Job le Rêveur, Dugandin, Diabole, Cagliostro…). Le voici librettiste de Jacques Offenbach (mais Une nuit blanche et Un postillon en gage ne sont guère parvenus jusqu’à nous), co-auteur de comédies avec des dramaturges ayant depuis sombré dans le même oubli que lui (Jules Adenis, Alfred Delacour, Adolphe Favre, qui se fit sauter la cervelle, et que nul non plus ne visite dans la 67è division, François Llaunet, Charles Vincent ou encore Théodore Barrière dont le monument funéraire vaut néanmoins le détour, non loin, dans la 54è division…), adaptateur de Walter Scott, joué au Théâtre-Français ou aux Bouffes-Parisiens, préfacé par George Sand (Contes pour les jours de pluie).
Sa carrière se confond avec le Second Empire auquel il n’a survécu que six ans. Deux fois récipiendaire du prix Lambert de l’Académie française (fondé en 1853 par un philanthrope désireux d’honorer des hommes de lettres auxquels il serait juste de donner une marque d’intérêt public), il figure au palmarès parmi quelques autres tâcherons des lettres aux patronymes réjouissants, Thalès Bernard, Léopold Laluyé, Augustine-Malvina Blanchecotte ou encore mon si cher Philoxène Boyer, mort lui aussi un 12 novembre, et dont la sépulture est désormais anonyme dans la 12è division.
Cher Édouard Plouvier, je me promets un jour prochain de mener vers vous un petit (la place autour de votre tombe est des plus réduites) aréopage de père-lachaisiens fervents afin qu’il admirent le médaillon qu’Émile Guillemin sculpta de vous. Peut-être auront-ils ensuite comme moi le désir d’en savoir davantage sur votre oeuvre aux titres singuliers comme La Vierge veuve ou Ne touchez pas à la hache !