Qui désire, au cimetière Montmartre, rendre visite, et hommage à Michel Galabru peut suivre cet itinéraire (je laisse volontairement de côté les défunts enterrés dans des secteurs excentrés de la nécropole) :
– dès l’entrée un salut à Sacha Guitry (1885-1957) , tant admiré :
Par une froide matinée de l’automne 1953, un jeune homme arpente d’un pas indécis le trottoir d’une avenue bordant le Champ-de-Mars à Paris. Et s’il n’a pas l’air de savoir où il va, c’est qu’il sait trop bien où il devrait aller. Seulement voilà…
De temps en temps, il jette un coup d’oeil vers les fenêtres d’une belle maison particulière comme pour guetter un signe… Dans sa poche il y a une lettre d’introduction, comme on dit. Mais plus il y pense, plus il se demande si c’est une bonne idée. Certes c’est simple d’aller voir un homme, de lui dire qu’on l’admire, qu’en somme, il est tout pour vous… Oui, mais tout de même, comment oser ? Surtout avec cette lettre chiffonnée. Voilà, c’est ça, avec une autre là, il aurait le courage, il irait sonner… Alors, on lui ouvrirait, on l’annoncerait, et il entendrait l’inimitable voix du maître résonner sous la voûte du premier étage. Finalement rien ne presse… il reviendra demain, ou un autre jour…
Je vais vous faire un aveu, ce jeune homme c’était moi. Quant à celui que je n’ai jamais osé aller importuner, cet homme qui avait illuminé ma vie et décidé de ma vocation théâtrale par son génie, sa culture, son charme, sa fantaisie et son esprit c’était Sacha Guitry. Et si la vie des grands hommes n’a parfois rien d’extraordinaire, la sienne, au contraire, a été riche, étincelante, brillante, un peu comme s’il avait décidé de la façonner à l’image de son oeuvre. (extrait du livre Galabru raconte Guitry, Flammarion, 2001).
– au rond-point (où se trouve la chapelle funéraire d’Eugène Labiche, 1815-1888, dont il interpréta et mit en scène Le Voyage de Monsieur Perrichon), prendre à gauche l’avenue de la Croix et ne pas rater, en bordure, à main gauche, la sépulture du comédien Jacques Legras (1924-2006), son partenaire dans Le Petit Baigneur.
– ceux qui connaissent bien le cimetière feront alors un crochet vers le chemin Guersant et le tombeau de famille de Georges Feydeau (1862-1921) que Michel Galabru servit en jouant (et parfois en mettant en scène) On purge bébé ou Chat en poche.
– plus loin, de retour dans cette même allée de la Croix, mais côté droit, les tombes de Robert Rollis (1921-2007) (avec qui il partagea l’affiche de La Guerre des boutons) puis de Jacques Charon (1920-1975) au côté duquel il joua Le Bourgeois gentilhomme.
– en traversant la 30è division, voici le haut monument de Mitty Goldin (1895-1956), ancien directeur du théâtre Mogador (où Michel Galabru triompha dans La Femme du boulanger, en 1985).
– enfin, dans la 32è division, avenue de Montmorency, face aux dernières demeures des frères Goncourt et de Miss Bluebell (on imagine mal voisins plus dissemblables), le dernier lieu de repos de Michel Galabru et de son épouse, Claude, décédée quelques mois avant lui. Cette mort qui suivait celle de son frère adoré avait laissé le comédien à ce point désemparé qu’il avait déclaré, fin septembre, au quotidien Libération : La vie commence à ne plus m’intéresser (…) J’ai d’ailleurs songé quelques fois à me supprimer, n’y renonçant que faute de courage. Un peu comme pour le reste, moi qui ne suis qu’un lamentable velléitaire, capable de rester des heures à rêvasser ou méditer, assis sans rien faire, repoussant toujours les choses à faire au dernier moment.