Il se produit parfois le 18 août des événements tragiques dont l’ampleur n’est, sur le moment, perçue que de quelques-uns.
Le 18 août 1850, après un mois de souffrances physiques atroces, Honoré de Balzac rend l’âme à cinquante-et-un ans sans que celle qu’il vient de prendre pour épouse (le 14 mars de la même année), la comtesse Hanska, ne réalise ce qui lui arrive. Beaucoup du monde littéraire d’alors ne prennent pas davantage la mesure de cette perte irréparable et il faut toute la puissance du verbe hugolien pour éveiller les consciences lors des obsèques au Père-Lachaise dans un discours fameux (dont on ne retient trop souvent, hélas, que la glissade de Victor Hugo dans la fosse, emporté qu’il était par sa fougue) qui s’adresse moins aux personnes présentes ce jour-là qu’à la postérité.
Balzac qui s’était déjà rendu compte en son temps combien il était difficile d’arpenter la nécropole tout pénétré de pensées profondes sans être importuné par des guides en mal d’excursionnistes ou même des entrepreneurs douteux (du marbrier au serrurier) à la recherche de nouveaux clients et qui demeure celui qui porta sur le célèbre cimetière parisien le regard le plus acéré mais aussi le plus juste.
N’oublions pas non plus en ce jour anniversaire les victimes tombées le 18 août 1870 à Gravelotte, nom donné par les Allemands à la bataille qui se déroula dans le village de Saint-Privat-la-Montagne, près de Metz, et qui inspira, outre une expression populaire, le peintre d’histoire Alphonse de Neuville (1836-1885) (son tableau Le Cimetière de Saint-Privat, visible au musée d’Orsay, rappelle qu’on se battit même jusqu’entre les tombes) enterré au cimetière Montmartre sous un beau monument pompeux (par Saint-Vidal) comme les affectionnait la Troisième République naissante.
L’artiste patriote, enfant d’une génération vouée à une guerre perdue, se confia dans une belle lettre : Je désire raconter nos défaites dans ce qu’elles ont eu d’honorable pour nous, et je crois donner ainsi un témoignage d’estime à nos soldats et à leurs chefs, un encouragement pour l’avenir. Quoi qu’on en dise, nous n’avons pas été vaincus sans gloire, et je crois qu’il est bon de le montrer !
Jugé responsable de la défaite, Bazaine, qui n’avait pas vu dans le combat de Saint-Privat une bataille décisive, vit sa condamnation à mort commuée en une détention de vingt ans mais parvint à s’évader vers l’Espagne dès 1874. Au cimetière San Justo de Madrid où il repose depuis 1888, un panonceau le présente comme poète français…