Auteur dramatique, dissident politique, héros de la « Révolution de velours », président de la République tchèque et slovaque (de fin 1989 à l’été 1992) puis de la République tchèque (février 1993- février 2003) une fois réalisée la partition, Václav HAVEL (1936-2011) eut sinon mille vies, du moins une vie dense.

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Il mourut d’une insuffisance respiratoire dans sa résidence secondaire de Hrádeček, le 18 décembre 2011 (le lendemain du décès de Kim Jong-il , comme si la Faucheuse avait voulu rappeler qu’elle a chacun à l’oeil).

Trois journées de deuil national furent décrétées et des obsèques grandioses célébrées à Prague en présence de nombreux chefs d’état, la France étant représentée par son président d’alors, Nicolas Sarkozy.

Après la crémation qu’il avait souhaitée, ses cendres furent déposées à Prague dans le caveau du cimetière de Vinohrady (aménagé sous les arcades qui constituent l’endroit le plus prestigieux de la nécropole) où reposait depuis 1996 Olga, sa première épouse.

En voici deux photos que j’avais prises, il y a quelques années, loin de ses dates anniversaires et qui témoignent par le nombre de fleurs et de bougies déposées devant le monument, de la ferveur dont il est encore l’objet.

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Je viens de relire Interrogatoire à distance (éditions de l’Aube, 1989), entretien qu’il avait accordé en 1986 à Karel Hvížďala, donc avant d’être emprisonné plusieurs mois en 1989 (pour avoir commémoré le vingtième anniversaire de la mort de Jan Palach, dont la tombe se trouve dans un autre cimetière, mais tout proche) et d’accéder à la magistrature suprême.

La dernière question posée est triple : Comment imaginez-vous votre avenir ? Qu’est-ce qui vous attend, selon vous ? Qu’espérez-vous, qu’attendez-vous ?
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Sa réponse :
Je pense que mes paradoxes vont continuer. Je souffrirai devant la feuille blanche, je trouverai tous les prétextes possibles pour ne pas devoir écrire et je serai comme toujours effrayé par les premiers mots notés. J’essayerai de m’encourager, je désespérerai parce que je ne serai pas content mais j’écrirai quand même une nouvelle pièce. Les démons qui me poussent à écrire et qui savent comment me torturer, ne me laisseront pas en paix et finiront toujours par me vaincre. Je serai encore agacé par les espoirs, inopportuns ou absurdes, que d’autres mettront en moi et par les rôles dont je devrai m’acquitter en tant que leur représentant ou comme bon samaritain. Je me révolterai encore, en revendiquant mon droit au calme, et pourtant, j’accomplirai mon devoir et j’en serai heureux. Comme toujours, je souffrirai, j’aurai peur, je paniquerai, je me culpabiliserai, je me maudirai, je désespérerai, mais les gens sauront qu’ils peuvent compter sur moi, qu’ils me trouveront là où est ma place. Je le paierai cher mais je le supporterai quand même et je continuerai à inquiéter quand il le faudra. C’est le moment de conclure sur ces prévisions – et sur tout notre entretien – en évoquant le plus grand paradoxe de ma vie : je me soupçonne d’être passionné par cette vie paradoxale…

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