Trois ans avant le bicentenaire de la bataille, partons à la recherche de l’ultime survivant de Waterloo.
Il faut prendre la route de l’Yonne, précisément les environs de Tonnerre, là où entre Chablis et Chaource, la Bourgogne vient frôler la Champagne. Dans le village de Carisey, quatre cents âmes en jaugeant large, trouver le cimetière, situé à l’écart, en bordure d’un carrefour désert (la commune vaut doublement le détour car elle abrite aussi la tombe d’un enfant du pays, ancien communard devenu ministre de la Justice, Eugène Protot, inhumé en bordure d’un chemin de campagne). Parmi les tombes de la partie droite, celle d’un certain Louis-Victor Baillot (nommé simplement Victor sur son épitaphe) ainsi désigné : Le dernier de Waterloo. Le graveur exagère légèrement en le faisant mourir à 105 ans car il s’éteignit à 104 ans et 9 mois, en février 1898. Marie-Thérèse Bardet, notre doyenne des Français, décédée il y a onze jours, aurait presque pu sauter sur ses genoux, lui qui était né en avril 1793 ! Demeuré alerte jusqu’au bout, il était devenu une sorte de monument qu’on interrogeait avec respect sur un temps disparu, à qui on demandait de conter son histoire (le 18 juin 1815, les Anglais l’avaient capturé et détenu plus d’un an prisonnier) et qu’on photographiait portant sabots et décorations (la Légion d’honneur et la Médaille de Sainte-Hélène).
Une invisible diagonale relie son humble pierre tombale à la dernière demeure du dernier des poilus, Lazare Ponticelli (1897-2008), rescapé de Verdun, inhumé au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine. S’ils étaient évidemment beaucoup plus rares qu’à notre époque, les centenaires ont toujours existé. Et, songeant au destin de ces deux survivants de batailles ayant eu lieu en 1815 et 1915, je me demande, non sans vertige, quand ont bien pu mourir les ultimes combattants de Marignan (1515), d’Azincourt (1415), de Bouvines (1214)…
Étrange litanie des dates conflictuelles. Pourvu que 2015 soit calme…

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