En 1955, Charles Trenet chantait et faisait chanter :

Moi j’aime le music-hall !
Ses jongleurs, ses danseuses légères,
Et l’public qui rigole
Quand il voit des p’tits chiens blancs portant faux col.
Moi, j’aime tous les sam’dis,
Quand Paris allume ses lumières,
Prendre vers huit heures et d’mie
Un billet pour être assis,
Au troisième rang, pas trop loin
Et déjà v’là l’rideau rouge <br<
Qui bouge, qui bouge, bouge,
L’orchestre attaque un air ancien du temps d’Mayol
Bravo c’est drôle, c’est très drôle,
Ça, c’est du bon souv’nir
Du muguet qui n’meurt pas, cousine,
Ah ! comme elles poussaient des soupirs,
Les jeunes fillettes d’antan,
Du monde ou d’l’usine,
Qui sont d’venues à présent
De vieilles grand’mamans,
Ce fut vraiment Félix Mayol
L’bourreau des cœurs d’leur music-hall !

Déjà, l’époque de Félix MAYOL (1872-1941) semblait lointaine.

Il nous est difficile d’imaginer le succès que connut cet artiste, interprète de La Paimpolaise, La Mattchiche, Les Mains de femmes, arborant un invraisemblable toupet ainsi qu’un brin de muguet à la boutonnière, en souvenir de ses débuts au Casino de Toulon, le 1er mai 1892.

-3586.jpg Son adaptation, en 1902, d’une chanson allemande, Kom Karolin, le rendit riche et célèbre. Insatisfait de la première version, Viens Caroline, il essaya tous les prénoms féminins possibles et désespérait avec son ami Henri Christiné (qui devait mourir moins d’un mois après lui) de trouver la consonance idéale lorsqu’il entendit dans les coulisses de la Scala où il se produisait un ouvrier qui appelait sa femme en lui disant Allons, viens Poupoule, viens !
On connaît la suite mais on ignore peut-être que le succès fut tel que durant la Première Guerre mondiale, soldats français et allemands se répondaient d’une tranchée à l’autre en chantant le refrain ! (anecdote contée par Ivan-Claude Perey dans son passionnant 120 chansons que l’on fredonne, éditions Didier Carpentier, 2008).

-3587.jpg Roi du caf’conc’, Mayol créa près de 500 chansons, se constituant un répertoire très large allant de la romance sentimentale à la ritournelle comique, acheta à Paris le Concert parisien (situé 10 rue de l’Échiquier) pour en faire le Concert Mayol (il y engagea Raimu, désormais inhumé dans le même cimetière que lui) et passa une bonne partie de carrière à faire ses adieux avant de se retirer définitivement en 1938, à Toulon, où il était né et où il mourut, bien oublié, en 1941.

Aujourd’hui, le monument qui perpétue le mieux son souvenir est le stade de rugby, depuis devenu mythique, qu’il offrit à sa ville, qui porte son nom et qui avait été inauguré en sa présence, il y a tout juste un siècle, en mars 1920 :

-3588.jpgÀ Toulon, où la jeunesse est particulièrement active et vigoureuse, nous n’avions pas le moindre terrain utilisable… Seul demeurait un vélodrome désaffecté, où nul n’allait jamais, qui ne servait plus à rien et qui me paraissait s’ennuyer autant que nos aspirants sportsmen… Alors, mon Dieu, c’était tout simple, j’ai acheté le vieux vélodrome ! J’y donnai moi-même le premier coup de pioche…

 

Image émouvante, le voici peu de temps avant sa mort :

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Admirons-le et écoutons-le, immortalisé en 1905 dans sa Polka des trottins par la grande Alice Guy, un document exceptionnel qui permet d’apprécier ses mimiques efféminées, ses pas de danse et sa manière d’occuper la scène !

 

Au cimetière Central de Toulon (Var), son nom trône au fronton de son grand monument Art déco sur lequel sont devenus bien rares les dépôts de fleurs fraîches.
Il est à craindre, par ailleurs, que le cent cinquantième anniversaire de sa naissance, le 18 novembre 2022, ne passe inaperçu car éclipsé par le centenaire de la mort de Marcel Proust.

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