Le 22 mai 1733 naissait le peintre Hubert ROBERT (1733-1808) qui plus qu’aucun autre mérita le surnom de « peintre des ruines », sujet alors en vogue.

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Le hasard m’a fait ouvrir récemment un ouvrage, acheté, si j’en crois le prix modique porté sur l’étiquette, chez Boulinier (dont l’annonce de la prochaine fermeture de son vaisseau amiral du Quartier latin me cause tant de peine tant il fera désormais froid l’hiver quand nous remonterons le boulevard Saint-Michel), intitulé Petits échos du temps passé publié en 1968 et qui porte pour seul nom d’éditeur celui de l’imprimerie P. et O. Tussaud Frères, à Fontenay-le-Comte. Il rassemble divers récits historiques présentés par Claude Genebor.

J’y découvre un aspect méconnu du tempérament d’Hubert ROBERT, emprunté aux Souvenirs de Madame Vigée Le Brun (inhumée, elle, au cimetière de Louveciennes) ainsi qu’une relation précise des circonstances de sa mort (rappelons qu’il aurait dû mourir sous la Terreur si n’avait été envoyé à sa place et par erreur à l’échafaud un autre prisonnier portant le même nom !). On rêverait posséder pareils témoignages sur toutes les ombres jadis célèbres qui peuplent aujourd’hui nos nécropoles.

Robert, peintre en paysage, excella surtout à représenter des ruines. …Il était de mode, et très magnifique, de faire peindre son salon par Robert ; aussi le nombre de tableaux qu’il a laissés est-il vraiment prodigieux…

…De tous les artistes que j’ai connus, Robert était le plus répandu dans le monde, que du reste il aimait beaucoup. Amateur de tous les plaisirs, sans excepter celui de la table, il était généralement recherché, et je ne crois pas qu’il dinât chez lui trois fois dans l’année. Spectacles, bals, repas, concerts, parties de campagne, rien n’était refusé par lui, car le temps qu’il n’employait pas au travail, il le passait à s’amuser.

Il avait de l’esprit naturel, beaucoup d’instruction , sans aucune pédanterie, et l’intarissable gaieté de son caractère le rendait l’homme le plus aimable qu’on pût voir en société. De tout temps, Robert avait été renommé pour son adresse à tous les exercices du corps, et dans un âge fort avancé il conservait encore les goûts de sa jeunesse. À soixante ans passés, quoiqu’il fût devenu fort gros, il était resté si leste qu’il courait mieux que personne dans une partie de barres, jouait à la paume, au ballon, et nous réjouissait par des tours d’écolier qui nous faisaient rire aux larmes. Un jour, par exemple, à Colombes, il traça sur le parquet du salon une longue raie avec du blanc d’Espagne ; puis, costumé en saltimbanque, un balancier dans les mains, il se mit à marcher gravement, à courir sur cette ligne, imitant si bien les attitudes et les gestes d’un homme qui danse sur la corde, que l’illusion était parfaite, et qu’on n’a rien vu d’aussi drôle.

Étant élève de l’académie de Rome, Robert avait au plus vingt ans lorsqu’il paria six cahiers de papier gris, avec ses camarades, qu’il monterait tout seul au plus haut du Colisée. L’étourdi, bien qu’en risquant mille fois sa vie, parvînt en effet jusqu’au faîte ; mais, lorsqu’il lui fallut descendre, n’ayant plus les saillies de pierre qui l’avaient aidé à monter, on fut obligé de lui jeter par une des fenêtres une corde qu’il saisit, à laquelle il s’attacha, et, lancé dans l’espace, il eut le bonheur qu’on réussît à le faire entrer dans l’intérieur du monument. Le seul récit de ce tour de force fait dresser les cheveux. Robert est le seul homme qui ait jamais osé le tenter, et cela pour six cahiers de papier gris !…

…le bonheur dont fut accompagné toute la vie de Robert semble avoir présidé aussi à sa mort. Le bon, le joyeux artiste n’a point prévu sa fin, n’a point enduré les angoisses de l’agonie. Il était fort bien portant, et tout habillé pour aller dîner en ville. Madame Robert, qui venait elle-même de terminer sa toilette, passa dans l’atelier de son mari pour l’avertir qu’elle était prête, et le trouva mort, frappé d’un coup d’apoplexie foudroyante.

Nous étions le 15 avril 1808.

Hubert ROBERT fut inhumé au cimetière d’Auteuil, alors récemment créé et désormais situé dans le XVIè arrondissement de Paris.
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Son monument funéraire affronta comme il put deux siècles d’intempéries mais le peintre des décombres ne pouvait reposer dans un tombeau en ruines.

Remercions l’Association pour la Conservation des Monuments Napoléoniens de l’avoir, en 2006, restauré et prolongé.

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