Qui, dans la rue Ravignan aujourd’hui pour songer à Max Jacob, poète crevant de misère (un des plus pauvres entre les hommes disait alors de lui André Salmon) dans son galetas du Bateau-Lavoir jusqu’à ce 22 septembre 1909 où le Christ apparut sur le mur de sa chambre tandis qu’il cherchait ses pantoufles ?
S’ensuivit pour lui qui était né juif une conversion au catholicisme mais non point un renoncement aux moeurs de Sodome. Il parvint même à écoeurer le prêtre auquel il confessait ses fautes qui préféra abandonner son office. Marcel Jouhandeau, qui n’était pas la bonté incarnée, raconta qu’il l’avait vu après des nuits de débauche se mortifier et s’abîmer en prières. Comme il lui faisait remarquer que ce n’était pas la meilleure façon de se faire absoudre que de continuer ainsi à pécher, Max Jacob, entre deux sanglots, eut ce mot superbe : Marcel, Dieu sera dupe !
On sait qu’il s’établit à Saint-Benoît-sur-Loire (Loiret), attiré par la fameuse abbaye bénédictine où se voit, sur le sol, une plaque émouvante rappelant l’endroit précis où il se recueillait. Arrêté par la Gestapo, il mourut d’une pneumonie au camp de Drancy alors que ses amis et admirateurs (entre autres Sacha Guitry dont on a tant médit mais qui tenta de le faire sortir et qui obtint, du moins, la libération de Tristan Bernard) se mobilisaient pour qu’il eût la vie sauve.
On enterra au cimetière de Saint-Benoît l’auteur du Cornet à dés qui si longtemps chercha un ciel plus pur. Une plaque, sur le mur extérieur, rappelle ses vers :
Allons ! Découpez-moi un bon morceau de marbre
avec dessus mon nom en lettres d’or
vous planterez auprès tel ou tel arbre.
N’oubliez pas la date de ma mort.
En fait d’arbre, une pierre tombale grise et banale, ornée de la croix, sur laquelle lors de mon dernier passage étaient déposés de petits cailloux comme on en voit sur les tombes juives, et d’un médaillon signé de son ami René Iché. Tout près, la sépulture d’un couple dont les prénoms auraient enchanté cet amoureux des mots : Eudoxie et Philorome.