Cette petite rubrique ayant l’air de vous séduire si j’en juge à vos messages, après Léo Chauliac et Roger Moore, je vous révèle aujourd’hui où est enterré… Alfred Savoir (1883-1934).
Maigre prise, penserez-vous peut-être et alors, vous vous tromperez.
Cet auteur dramatique, né Léon Poznanski à Łódź (Pologne), fut un des rois du Paris de l’entre-deux-guerres dont les pièces, autant oubliées aujourd’hui que celles de Porto-Riche (enterré dans le si beau et si fameux cimetière de Varengeville, en Seine-Maritime), plus encore que celles de Bourdet ou Bernstein (tous deux inhumés au cimetière de Passy), qui enchantèrent une génération, avaient pour titres Ce que femme veut, Banco, La Margrave, La Voie lactée…
Montées aux Mathurins, à l’Oeuvre ou aux Variétés, mises en scène par Louis Jouvet ou Harry Baur, elles offraient des morceaux de bravoure à Jules Berry, André Lefaur (tous deux inhumés au Père-Lachaise et plus du tout visités) ou Charlotte Lysès (dont la tombe n’est pas très loin, à Saint-Jean-Cap-Ferrat), la première madame Sacha Guitry.
Mort à seulement cinquante-et-un ans (Il aura passé sa vie entre un triomphe et un four. C’est ce qu’on appelle l’altern
ance. Il est mort comme il a vécu : d’un chaud et froid. Il accueillait le triomphe et le four avec le même sourire tranquille et le même grognement goguenard. Il parlait de son métier d’auteur dramatique comme il parlait de ses cinq ans de guerre, sans fatuité comme sans humilité : ironiquement. Henri Jeanson, Soixante-dix ans d’adolescence, Stock, 1971), Alfred Savoir fut aussi, avec Fernand Nozière, l’adaptateur pour la scène de Tolstoï (La Sonate à Kreutzer) et Dostoïevski (L’Éternel Mari) ainsi que le directeur des productions françaises de la Paramount.
J’étais ému de localiser sa sépulture dans un cadre sublime, celui du cimetière de Cap-d’Ail (Alpes-Maritimes) qui domine avec fierté les flots de la Méditerranée car la petite histoire lui prête un des plus beaux mots de la fin, et le plus cruel, que je connaisse.
Alors qu’il agonisait, veillé par sa compagne dont le physique était pour le moins ingrat, il eut la force de se tourner vers elle et de lui murmurer, ce qu’il ne lui avait jamais dit, « Tu es belle… », la faisant éclater en sanglots. Puis, dans un dernier souffle, il ajouta « Ou alors, c’est que je me suis habitué… »