Cette épitaphe, pour le moins énigmatique, est apparue récemment au Père-Lachaise.
Du défunt, je n’ai trouvé que ce portrait d’un homme atypique et attachant tracé par un de ses proches :
J’avais rencontré Alain Borrel vers 1974 dans un cercle amical, et j’ai continué à lui rendre visite à son cabinet dentaire ainsi que chez lui, rue de la Chine, à Paris.
C’était un homme bon, généreux, désintéressé.
Curieux de tout, Alain aimait les jeux d’intelligence de toutes sortes, mais pas les jeux d’argent. Il avait créé une association de jeux de rôles historiques et s’est beaucoup impliqué dans plusieurs clubs de go parisiens. La jeunesse d’Anna fut bercée des multiples activités de ce papa complice.
Il était d’une grande habileté manuelle. Avec les chutes de métaux de son laboratoire, il sculptait des bijoux. Il faisait aussi d’excellentes copies de peintures célèbres qu’il donnait à ses amis.
Il aimait les gens, et partager avec eux ce qu’il aimait surtout, ce qui enrichissait l’esprit : la culture sous toutes ses formes. Il était incollable sur l’histoire de France, sur la musique et principalement l’opéra.
Il utilisait son ordinateur de main de maître. L’année dernière, il était encore sur XP sans aucune mise à jour et sans anti-virus. Depuis une dizaine d’années il s’était retiré et vivait de ses ressources familiales.
Il vivait seul avec son chat. De nombreux copains sans hébergement occupaient temporairement la chambre. Lui, préférait le lit du salon. Il était domicilié dans le Haut du 20ème (comme il aimait le dire) à Paris.
Il n’aimait pas les portes qui claquent, les gens qui parlent fort et les bruits de sonnerie. Il avait bidouillé un système pour qu’une lumière s’allume dans son salon quand on sonnait à sa porte. Il n’aimait pas l’eau de javel, ni faire le ménage. Son appartement s’en ressentait. Les volets métalliques des fenêtres étaient souvent fermés et le salon où il conservait toutes ses affaires, ressemblait à une caverne d’Ali-Baba. De son immense fauteuil, il semblait piloter sa vie intellectuelle : sa correspondance, ses musiques, ses films, tout ce qui avait pour lui de l’intérêt. Et il s’intéressait à tout.
À chaque visite, il m’envahissait avec ses connaissances. C’était superbement dit. Jamais, il ne m’a fait sentir mon ignorance. Je me sentais petit, mais ce n’était pas un problème. Il m’aidait à grandir. J’ai une tendance à l’idolâtrie. Avec Alain, j’avais mon homme. J’ai toujours aimé les grands hommes (les femmes aussi), ce sont eux qui tirent, en premier, la charrette de l’humanité. Avec la disparition d’Alain Borrel, les amis et la famille perdent beaucoup.
Si quelqu’un parmi les lecteurs de cette page peut m’en dire plus sur ces ténèbres… poilues…