Une pensée, ce jour, pour un des résidents les moins visités du Père-Lachaise, oublié de presque tous et, par surcroît, exilé dans un secteur où l’on croise davantage de chats que de promeneurs : la 58è division. Car signalons au profane que si le cimetière a ses quartiers fréquentés et richement pourvus, les 4è, 10è, 11è, 44è, 45è, 89è divisions (parmi d’autres), il compte aussi ses parcelles méprisées, parfois de manière injuste.
Ainsi cette 58è (où nous reviendrons bientôt saluer quelqu’un qui ne mérite pas l’oubli dans lequel il me semble relégué) qui constitue la dernière adresse de l’éditeur d’art Édouard Pelletan. Une de ces stèles sans fantaisie dont le XIXè siècle fut prodigue et une dalle piquetée de mousse, telle paraît être la trace ultime de cet homme, né à Paris le 8 octobre 1854 et qui y mourut (rue Méchain), le 31 mai 1912, à neuf heures du matin, nous apprend son acte de décès.
Restent par bonheur des ouvrages mis en forme par ses soins, d’auteurs jadis à la mode, Anatole France, Sully Prudhomme ou les frères Tharaud (peut-être pour le plaisir enfantin de crier « Encore un Tharaud d’casé ! » à chaque nouvelle vente ?) ou à jamais indémodables comme les Pensées de Marc-Aurèle, premier texte à sauver de sa bibliothèque en cas d’incendie ou d’inondation (Il faut être bien ridicule et bien neuf pour s’étonner de tout ce qui arrive dans le cours de la vie).
En ces temps numériques, n’oublions pas la voix d’Edouard Pelletan, auteur du Credo des bibliophiles : Le véritable luxe d’un livre doit s’entendre de la supériorité de l’oeuvre écrite, de la beauté de l’illustration, de l’appropriation de la typographie de la perfection du tirage, de la qualité du papier et du nombre limité des exemplaires.

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