Le 4 octobre 1935 mourait, âgé de 86 ans, le peintre Jean Béraud.

Bien que né à Saint-Pétersbourg, il fut le plus parisien des peintres de la Belle Époque.
Si son pinceau n’a rien de révolutionnaire, il émane de ses portraits et scènes de genre un parfum souvent troublant, parfois malicieux, toujours nostalgique, mêlant bien des fragrances du Paris 1900.

Il faut se rendre à Carnavalet pour croiser sa Parisienne, place de la Concorde (1885),

tandis qu’au « Met » de New York, nul n’est besoin d’écouter Brassens pour apprendre qu’un vent maraud et fripon souffle souvent sur le pont des Arts (Le Pont des Arts par grand vent, vers 1880-1881).

En 1889, il immortalise Le Boulevard des Capucines et le théâtre du Vaudeville (Carnavalet encore ; ce tableau figure en couverture d’Histoire de Paris et des Parisiens, Pont-Royal, éditions Princesse, livre pour moi de chevet depuis quarante ans).

J’ignore quel collectionneur privé peut contempler à loisir son Bal dans le parc, identifié comme étant celui de la Closerie des Lilas en 1880,

mais sais que ces deux habitués du Cercle (1911), fourbus d’oisiveté, s’offrent à la contemplation des visiteurs du musée d’Orsay.

Rien d’étonnant à ce que le chemin de Jean Béraud ait croisé la route de Marcel Proust. Il fut même son témoin, le 6 février 1897, lors du fameux duel au pistolet qui opposa le futur auteur d’À la recherche du temps perdu à l’écrivain Jean Lorrain (ce dernier avait critiqué Les Plaisirs et les jours et laissé entendre que Lucien Daudet était l’amant de Proust ; deux coups de feu furent échangés, sans effusion de sang).

En cet automne 2022, centenaire de la mort de leur auteur favori, que les proustiens n’oublient pas d’aller visiter Jean Béraud, évidemment inhumé à Paris, mais dans un triste recoin du cimetière Montmartre (1ère division, en haut de la nécropole, contre le mur d’enceinte et sa grille, à l’écart des allées fréquentées), si mal accordé aux coloris de sa palette et à la vivacité de ses sujets.