A l’occasion du 68è anniversaire du Débarquement, le nouveau président de la République s’est rendu aujourd’hui dans le Calvados où tant de tombes civiles portent la mention Victime du 6 juin ou Mort à l’aube du 6 juin (lire à ce sujet Les Victimes civiles du Calvados dans la bataille de Normandie, de Jean Quellien et Bernard Garnier, Editions-Diffusion du Lys, 1995).
Il était attendu au Mémorial de Caen mais aussi à Ranville qui fut la première commune de France libérée.

Au cimetière du village, on trouve, à droite en entrant, contre le muret d’enceinte, la stèle d’un personnage étonnant, René de Naurois, homme d’église autant qu’homme d’action. Jeune abbé (ordonné en 1936) mobilisé en 1939 comme officier d’artillerie, il avait projeté dès 1940 de rallier De Gaulle à Londres mais en avait été empêché par son évêque, monseigneur Saliège. Entré dans la Résistance, il rejoignit finalement l’Angleterre en passant par l’Espagne et Gibraltar avant d’être nommé aumônier des Commandos Kieffer, ces 177 fusiliers marins français, seuls représentants de leur pays sur les plages de Normandie, au matin du 6 juin 1944. Bataille de Normandie puis campagne de Hollande, il fut de tous les combats, assistant les blessés, bénissant les morts. Après la guerre, il travailla au CNRS comme chercheur en biologie animale. Il s’éteignit en janvier 2006, à 99 ans, et fut porté en terre au côté d’un des premiers Britanniques tué lors de l’assaut sur Pegasus Bridge. Pour l’anecdote, l’explorateur et écrivain Alexandre Poussin (complice de Sylvain Tesson dans ses premières expéditions) a l’honneur d’être son petit-neveu et a souvent fois évoqué la haute figure de son grand-oncle.

Lors de mes pérégrinations, il m’arrive de retrouver les tombes d’anciens des Commandos Kieffer qu’une plaque signale à l’attention. Parmi les morts récents, mentionnons Robert Saërens (+ 2009) qui s’était retiré dans le Morbihan ou encore André Bagot (+ 2005), lieutenant, dernier des cinq officiers des Commandos, inhumé à Etables (Côtes-d’Armor).

Chose moins connue, liés à jamais par leur acte héroïque, plusieurs de ces 177 combattants (leur chef, le commandant Philippe Kieffer, mourut en 1962 et repose à Grandcamp-Maisy, dans le Calvados) voulurent que la mort ne les séparât pas. Ils se choisirent comme lieu de sépulture une allée du cimetière de Ouistreham, haut-lieu de leur exploit. Là, sans aucun caractère ostentatoire, s’alignent des dalles, non uniformes, porteuses d’inscriptions plus ou moins bavardes. Léon Gautier, un des ultimes survivants (il continue, en 2012, de témoigner lors de conférences et de rencontres avec des lycéens) habite la commune et sera de ceux-là. Au moment où sont annoncées des manifestations (les dernières ?) d’une très grande ampleur le vendredi 6 juin 2014, pour le 70è anniversaire, souhaitons que sa voix ne se taise pas encore.

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