Avec davantage de culot, je demanderais aux gondoliers si l’un d’entre eux accepte de me conduire à San Michele. Arriver chez les morts en glissant sans faire plus de bruit qu’eux…
En attendant, j’emprunte le vaporetto où les places assises sont rares ce qui, pour un si court trajet, ne cause qu’un désagrément mineur. Je note à chaque fois que les touristes négligent de s’arrêter au cimetière et préfèrent poursuivre vers Murano, la halte suivante. Avec quelques autochtones d’âge respectable, j’aborde l’île des morts où, la porte franchie, l’envoûtement ne tarde guère à opérer.

Mon parcours rituel débute par l’enclos orthodoxe où s’observent, de part et d’autre de l’allée centrale, contre le mur opposé à l’entrée, Igor Stravinski et Serge Diaghilev, le créateur de la troupe des Ballets russes. Sur la tombe de ce dernier, un socle coiffé d’un petit temple ajouré où sont déposés fleurs et chaussons de danse, son nom s’écrit Diaghilew. Un an avant Le Sacre du printemps (quels bouleversements dans l’histoire de l’art, en 1913 ! Que l’année prochaine soit l’occasion de le rappeler.), ce fut la création, au théâtre du Châtelet, de Daphnis et Chloé, sur une musique de Maurice Ravel (tristement relégué, lui, au cimetière de Levallois-Perret), le 8 juin 1912.
Songeant à tout cela, je recherche les photos que je possède de la sépulture de Diaghilev et en retrouve deux, prises à quelques années d’intervalle, où j’apparais, à côté du monument, dans une pose presque identique. Sur la plus récente, on note que le tombeau a été restauré et rafraîchi ce qui lui donne un air avantageux. Moi, c’est exactement l’inverse.

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